TRAITE DES CINQ ROUES
Par Miyamoto Musashi
Au XVIe siècle, Miyamoto Musashi, samouraï invaincu
par une vie de combats, maître ès armes et esprit de nombreux disciples, se
retire dans une grotte quelques mois avant sa mort et rédige ce classique de la
littérature universelle: traité des cinq
roues.
Ce
guerrier nous donne en un texte lumineux l'essence des arts martiaux et le
secret d'une stratégie victorieuse qui transcende la violence et devient art de
vivre et d'agir. Attitude qui explique aujourd'hui les raisons des succès
japonais dans tous les domaines.
Une
leçon à méditer et à pratiquer: car l'esprit de l'art de l'épée peut
s'appliquer à tous les gestes de la vie quotidienne.
I/ Avant-propos
"J'ai
voulu exprimer, pour la première fois, en un livre la Voie de ma tactique
nommée Ecole de Niten dont j'ai poursuivi l'élaboration durant de nombreuses
années. C'est ainsi qu'au début d'octobre de la vingtième année de l'ère Kan-ei
(1643) je me suis rendu au mont Iwato situé dans la province Higo en Kyushu.
J'ai salué le Ciel, me suis prosterné devant Avalokitesvara (Kannon) et me suis
assis face aux Bouddhas.
Je
suis un samouraï né dans la province Harima, et mon nom est Shimmen
Musasgi-no-kami, Fujira-no-genshin. Je suis âgé de soixante ans. J'ai prêté
attention aux Voies de la tactique dès ma jeunesse et j'eus mon premier duel à
l'âge de treize ans. Pour ce premier duel, mon adversaire était Arima Kihê, bon
sabreur de l'école Shintô que j'ai vaincu. A l'âge de seize ans, je vainquis
Akiyama, fort au sabre et originaire de la province de Tajima. A l'âge de vingt
et un ans, je me suis rendu à Kyoto et y ai rencontré les meilleurs sabreurs du
Japon. Je les ai rencontré plusieurs fois en duel sans jamais être vaincu par
aucun d'entre eux. Puis j'ai pérégriné à travers les provinces où j'ai
rencontré plusieurs sabreurs de diverses écoles et bien que j'ai été jusqu'à
avoir une soixantaine de duels avec eux, je n'ai jamais été vaincu par aucun.
Tout cela se passa alors que j'avais de treize à vingt neuf ans environ.
Mais
passé le cap des trente ans, je me mis à réfléchir sur ma vie et pensais:
" Mes victoires ne provenaient pas de la supériorité de ma tactique, mais
plutôt de qualités innées chez moi grâce auxquelles je ne me suis pas écarté
des meilleurs principes. Peut-être bien aussi que mes adversaires manquaient de
tactique. ". Ainsi je décidais d'approfondir encore plus la Voie et
continuais de me forger matin et soir et enfin, parvenu à la cinquantaine,
l'unification avec la Voie de la tactique s'est faite d'elle-même en moi.
Depuis
ce moment-là je n'ai plus aucune Voie à rechercher et le temps a passé. J'ai
appliqué les principes (avantages) de la tactique à tous les domaines des arts.
En conséquence, dans aucun domaine je n'ai de maître. Bien que j'écrive ce
livre aujourd'hui, je ne fais aucun emprunt au bouddhisme ni aucun au
confucianisme. Je ne me suis inspiré d'aucun récit militaire ancien ni d'aucun
ouvrage ancien de tactique. J'ai voulu exprimer la raison d'être et l'esprit
réel de notre école en y faisant refléter la Voie du ciel et Avalokitesvara
(Kannon). J'ai saisi mon pinceau à quatre heures et demie du matin, à l'aube du
dix octobre, et je commençai d'écrire.
II/ Terre
En
général, la tactique est la loi des samouraïs et ce sont surtout les officiers
qui la pratiquent, mais les simples soldats eux-mêmes doivent la connaître. Dans
le monde d'aujourd'hui aucun samouraï n'a compris d'une façon certaine la Voie
de la tactique.
Tout
d'abord, pour donner un sens clair de la Voie, je dirai: dans le bouddhisme la
Voie vient en aide aux hommes; dans le confucianisme la Voie corrige les Lettres;
dans la médecine la Voie guérit les maladies; certains poètes enseignent la
Voie de la poésie; les artistes, les tireurs à l'arc ou les gens appartenant à
n'importe quel autre domaine des arts, exercent chacun leur art comme ils
l'entendent et l'aiment selon leur idée tandis que pour la tactique, rares sont
ceux qui l'aiment.
En
premier lieu, les samouraïs sont familiers avec deux voies: les Lettres et les
arts militaires. C'est en cela que consiste leur Voie et même s'ils ne sont pas
dignes d'Elle, les samouraïs doivent porter tous leurs efforts sur la tactique
militaire selon leur grade.
Lorsque
je réfléchis à ce que doit être un samouraï, je suis convaincu qu'il doit être
intime avec l'idée de la mort, mais la Voie de la mort n'est pas le seul fait
des samouraïs. Les bonzes eux-mêmes, les femmes, les paysans, même les gens
appartenant aux plus basses classes de la société doivent savoir décider de
leur mort face à leur devoir ou à la honte. En ce sens il n'y a aucune
différence entre les samouraïs et eux. Mais les samouraïs, quant à eux,
poursuivent en plus la Voie de la tactique. Ils se doivent d'être supérieurs en
tout à leurs adversaires. Ou bien ils gagnent dans un combat singulier, ou bien
ils sortent vainqueurs d'une bataille. Ils recherchent les honneurs et un haut
rang social pour leur seigneur et pour eux-mêmes. Tout ce qu'ils obtiennent est
dû aux vertus de la tactique.
D'autres
pensent qu'étudier la Voie de la tactique ne peut servir à rien au moment où
l'on en a besoin. S'il en est ainsi, il faut alors s'exercer à la tactique de
telle façon qu'elle soit utile à n'importe quel moment et il faut l'enseigner
de telle manière qu'elle soit applicable à tous les domaines. C'est en cela que
consiste la vraie Voie de la tactique.
Sur la Voie de la tactique
En
Chine et au Japon ceux qui pratiquaient cette Voie étaient traditionnellement
appelés experts en la tactique. Quant aux samouraïs ils ne peuvent se passer de
l'étudier. De nos jours, des gens vivent en se prétendant tacticiens, mais cela
se borne en fait qu'à l'escrime. Des prêtres shintoïstes appartenant aux
sanctuaires Kashima et Katori situés dans la province Hitachi (nord-est de
Tokyo) ont fondé des écoles d'escrime transmettant l'enseignement des
divinités. Ils vont de provinces en provinces pour répandre ces écoles. Le mot
de tacticien utilisé aujourd'hui a ce sens. Depuis les temps les plus reculés
il est dénombré dix disciplines et sept arts parmi lesquels la tactique figure
sous le nom de moyens d'avoir l'avantage. Ainsi la tactique peut-être
considérée comme une forme d'art. Mais comme elle fut désignée sous
l'appellation « moyens d'avoir l'avantage », la tactique ne peut être bornée
seulement à l'escrime. Si on la borne seulement à l'escrime on ne peut même
connaître l'escrime, et naturellement, on est inapte à la saisir sur un plan
militaire plus large.
Lorsque
je regarde autour de moi, je constate que tout le monde fait commerce de l'art,
que les hommes eux-mêmes sont considérés comme des marchandises, que l'on ne
fabrique des objets que dans le but de les vendre. Prenons par exemple une
fleur et un fruit. On donne souvent moins d'importance au fruit qu'à la fleur,
surtout dans notre Voie de la tactique où on est sujet à se laisser aller au
décorum, aux fioritures et à faire montre de technique. Telle ou telle salle
d'exercice est créée pour enseigner cette sorte de tactique et ainsi tout le
monde s'y exerce en vue d'un bénéfice quelconque. D'après un dicton, "une
tactique non mûrie est l'origine de grandes blessures". C'est vrai.
En
général, il y a quatre états de vie: samouraïs, paysans, artisans et
commerçants.
1°)
Paysans: ils possèdent divers outils et instruments agricoles. Ils observent
sans cesse la succession des quatre saisons. C'est ainsi que s'écoule leur vie.
C'est la façon de vivre des paysans.
2°)
Commerçants: les brasseurs de sake utilisent les outils et instruments adaptés
à leur profession, et à cause de cela ils passent leur vie à obtenir de plus ou
moins grands bénéfices. Dans tous les domaines du commerce, les commerçants
font des bénéfices qui vont selon leurs activités et ils passent leur vie grâce
à ces bénéfices. C'est la façon de vivre des commerçants.
3°)
Samouraïs: quant aux samouraïs ils inventent toutes sortes d'armes. Ils doivent
connaître les caractéristiques de chaque espèce d'arme. C'est la façon de vivre
des samouraïs. Si un samouraï n'était pas familier avec les armes et qu'il
ignore les caractéristiques de chaque arme, cela ne serait-il pas insensé ?
4°)
Artisans: prenons pour exemple les charpentiers qui fabriquent avec habileté
toutes sortes d'outils et instruments qu'ils étudient bien, ils corrigent leurs
erreurs au moyen de mesures. Ils travaillent sans prendre de loisir et ainsi
passent leur vie.
La vie de ces samouraïs, paysans, artisans et
commerçants représentent quatre façons différentes de vivre.
Maintenant,
je vais comparer la tactique à la spécialité du charpentier. L'idée m'est venue
d'un parallèle avec la spécialité du charpentier en pensant au mot école; on
dit école de nobles, école de samouraïs, les quatre écoles de cérémonie du thé
ou d'ikebana. Ou bien on dit qu'une école est tombée et qu'un autre lui a
succédé. Ou bien on dit que tel ou tel cours, telle ou telle leçon, telle ou
telle école ... tout cela m'a amené à penser au charpentier. En japonais,
charpentier est synonyme de grande habileté. Notre tactique, elle aussi, doit
être synonyme de grande habileté et c'est pourquoi je fais la comparaison avec
le charpentier. Si vous voulez étudier la tactique réfléchissez bien à ce que
vous allez lire dans ce livre. Que le Maître devienne l'aiguille et le disciple
le fil, que tous les deux s'exercent sans cesse.
Comparaison de la
tactique à l'habileté du charpentier
Un
général est en quelque sorte un maître charpentier. Les généraux ont le sens
des dimensions du monde, ils corrigent les mesures d'une province et
connaissent les membres d'un clan. C'est la Voie d'un général (Maître). Le
maître charpentier connaît parfaitement la construction d'un pavillon, d'une
tour, d'un temple. Il est capable de dresser les plans d'un palais, d'un
château et il édifie des bâtiments en se faisant aider par des ouvriers. Ainsi
maître charpentier et maître samouraï sont semblables.
Pour
édifier un bâtiment le maître charpentier utilise différentes qualités de bois.
Il utilise des bois rectilignes sans noeuds, du meilleur aspect pour la partie
réservée à la réception, mais utilise un bois rectiligne plus massif, même
ayant quelques noeuds pour les parties privées. Il utilise du bois sans noeuds
et de belle apparence, bien que plus faible, pour le seuil, les liteaux, les
portes et portes coulissantes. Il utilise du bois à noeuds et tordu, mais
robuste aux endroits devant subir une contrainte. S'il les choisit ainsi
soigneusement alors le bâtiment ne se dégradera pas d'ici longtemps. Aussi il
peut utiliser les bois noueux, tordus et peu solides à la confection des
échafaudages et plus tard du chauffage.
Lorsqu'un
maître charpentier engage des ouvriers charpentiers il doit s'enquérir de leurs
capacités: supérieures, moyennes, ou inférieures. Il les utilisera soit pour
aménager le tokonoma (sorte d'alcôve vénérée, réservée à l'arrangement de
floral ou à l'exposition d'un sabre ou d'un objet précieux), ou bien à la
construction du seuil, des linteaux et plafonds, etc. Ainsi chaque ouvrier
charpentier trouvera sa place. Les moins bons seront planchéieurs et les pires,
raboteurs, fabriqueront des coins ou des clavettes. Ainsi, si le maître
charpentier sait adapter la capacité de chacun, alors le rendement sera bon et
le résultat excellent.
Rendement,
beau travail, ne pas prendre les choses à la légère, ne pas perdre de vue
l'idée générale, savoir distinguer le degré supérieur, moyen ou inférieur de
l'énergie de chacun, donner l'élan et savoir où commence l'impossible sont la
règle d'or que chaque maître charpentier doit avoir en tête. Il en va de même
pour le principe de la tactique.
Voie de la tactique
Les
soldats sont comme les charpentiers. Le charpentier polit ses outils, il
fabrique toutes sortes d'instruments qu'il range dans un coffre propre à tous
les charpentiers. Il reçoit les ordres de son maître, taillade les poutres à
placer verticalement ou horizontalement, façonne les alcôves et étagères, grave
et sculpte, prend soigneusement toutes les mesures, prête grande attention à
son travail même dans le moindre détail: c'est la règle des charpentiers. Si un
charpentier apprend bien son métier, de ses bras et de ses mains, et s'il sait
bien reporter les mesures, il deviendra plus tard un maître charpentier
Le
métier de charpentier exige que l'on possède des outils bien appropriés et il
est très important de les entretenir dès qu'on a un moment. Seul le charpentier
est capable de fabriquer en bois, à l'aide de ses outils: tabernacles,
rayonnages, tables, lampes, planches à découper, ou couvercles. Il en va de
même pour les soldats. Lecteurs, réfléchissez bien à tout cela.
Les
charpentiers ne doivent jamais perdre de vue: précision dans l'exécution,
concordance de toutes les parties de l'ouvrage, utilisation parfaite d'un
rabot, refus du tape à l'oeil, prévision des dégradations possibles. C'est là
le point le plus important pour eux.
Si
les lecteurs veulent étudier bien cette Voie de la tactique il faut qu'ils
aient bien en tête tout ce que j'écris dans ce livre et y bien réfléchir.
Les cinq chapitres
de ce livre sur la tactique;
J'ai
divisé cet ouvrage en cinq chapitres: Terre, Eau, Vent et Vide dans le but
d'exposer séparément les caractéristiques propres à chaque sujet.
Tout
d'abord le chapitre Terre. J'y expose la Voie générale de la tactique et la
raison d'être de mon école. Si l'on se borne uniquement à l'escrime on ne peut
atteindre la vraie Voie. Il faut connaître tout, de l'ensemble jusqu'aux
détails, et évoluer du moins profond au plus profond. Comme l'on trace un
chemin bien droit sur la terre, j'ai intitulé ce premier chapitre:
"Terre".
Deuxième
chapitre Eau. L'eau est une très bonne image pour faire comprendre notre
principe. Il faut rendre notre esprit semblable à l'eau. L'eau prend la forme des
récipients qui la contiennent, qu'ils soient carrés ou ronds. L'eau peut se
réduire à une goutte ou atteindre la taille d'un océan. L'eau qui se trouve au
fond des gouffres profonds a une couleur d'un vert pur. J'ai tenté de décrire
dans ce chapitre l'essence de notre école avec un esprit dont la pureté se
rapprocherait de celle de cette eau. Si l'on peut vaincre librement un ennemi
parce que l'on possède bien tous les principes de l'escrime, alors on peut
vaincre n'importe qui. Les principes qui permettent de vaincre un seul homme
sont applicables pour venir à bout de mille ou dix milles ennemis. La tactique
du général applique les règles des petites unités aux grandes unités comme le
charpentier exécute une grande statue de Bouddha en partant d'un petit modèle.
Je ne m'égarerai pas trop dans les détails de ce sujet. Le principe de la
tactique consiste à tout connaître, de l'unité au dix millième. C'est ainsi que
j'ai décrit l'essence de notre école dans ce chapitre intitulé "Eau".
Troisième
chapitre Feu. Ce chapitre traite de combats. Le feu peut-être grand ou petit.
Il est extravagant. Comparativement au feu je décris ici plusieurs combats.
Quant aux méthodes de combat, celles qui sont utilisées dans les combats
singuliers peuvent être appliquées à des
milliers de combattants. Il faut bien considérer la
situation tantôt dans son ensemble, tantôt dans son détail. L'ensemble est
facile à voir, mais les détails sont imperceptibles car les actions d'une masse
ne peuvent être modifiées rapidement, donc elles sont faciles à découvrir
tandis que les actions d'une seule personne sont modifiables par une décision
unique donc c'est un détail difficile à saisir. Il ne faut pas perdre de vue
tout cela. Dans ce chapitre intitulé "Feu", il est question d'action
immédiate et il faut s'y exercer chaque jour et s'y accoutumer quotidiennement.
Dans les cas d'urgence il faut se montrer prêt, l'esprit immuable. J'ai décrit
tout cela dans ce chapitre "Feu" afin d'apporter des chances aux
combattants.
Quatrième
chapitre Vent. J'ai intitulé ce chapitre "Vent" parce qu'il est
question non seulement de notre école mais aussi de tactiques d'autres écoles.
Si j'utilise ici le mot "Vent" [en japonais, vent = aspect, allure,
caractéristique] c'est parce que l'on a coutume de dire "le vent
ancien" [aspect ancien, du passé], "le vent de notre temps" [les
choses dans le vent], "le vent de telle ou telle famille" [l'air de
famille], etc. ... Donc j'ai écris très clairement ici les autres tactiques et
la manière propre aux autres écoles et c'est pour cela que j'ai choisi le
titre: "Vent". Sans bien connaître les autres, nous ne pouvons bien
nous connaître nous-mêmes. Chez les pratiquants de n'importe quelle Voie se
trouvent toujours des hérétiques. Même si quelqu'un pratique chaque jour assidûment
dans une Voie, s'il est tant soit peu dans l'erreur tout en étant persuadé
d'être sur le bon chemin, malgré tous ses efforts, sa Voie ne sera pas la Voie
véritable pour quelqu'un de plus perspicace. Si l'on ne se trouve pas sur le
bon chemin, la petite erreur du début conduira plus tard à une grande erreur.
Il faut bien y réfléchir. Dans les autres écoles la tactique ne s'applique
seulement qu'à l'escrime. En un sens elles ont raison, mais chez nous l'escrime
n'est qu'une forme de la tactique. J'expose dans ce chapitre les
caractéristiques d'autres écoles, afin de faire connaître d'autres tactiques
répandues dans le monde.
Cinquième
chapitre Vide. J'ai intitulé ce chapitre "Vide", mais le vide, où
commence-t-il, où finit-il ? Lorsque l'on possède complètement une théorie
alors il faut s'en détacher. La Voie de la tactique est une voie libre. Tout
naturellement on parvient au prodige. Tout naturellement on acquiert un rythme
selon l'instant. Tout naturellement on frappe et tout naturellement on fait face.
Tout cela est la voie du "Vide". Tout naturellement il faut entrer
dans la Voie véritable. C'est tout cela que j'ai décrit dans ce chapitre :
"Vide".
Ecole des deux
sabres (dénomination de notre école)
A
propos des deux sabres, tous les samouraïs, qu'ils soient officiers ou soldats,
portent à la ceinture deux sabres. Autrefois on les appelait "le grand
sabre" et "le sabre". Aujourd'hui, on les appelle
"sabre" et "wakizashi" [en français: petit sabre; mais la
traduction littérale est : porté sur le côté]. Je n'ai pas besoin d'expliquer
ici en détail que tous les samouraïs portent ces deux sortes de sabre. Dans
notre pays les samouraïs ont coutume de les porter tous deux à la ceinture, en
sachant ou non pourquoi. J'ai appelé mon école "école des deux sabres"
justement dans le but de faire connaître l'avantage que présente le port de ces
deux sabres.
D'un
type différent des lances et hallebardes, par leur maniabilité en toute
circonstances les sabres peuvent être conservés à tout moment à portée de la main.
Dans
notre école, dès l'entrée on exerce la Voie en ayant constamment les deux
sabres en main. C'est là la caractéristique de notre école. Lorsque nous
rencontrons la mort en cours de
combat il vaut mieux que ce soit en utilisant toutes
les armes dont nous disposons. Il est contraire à notre principe de mourir avec
une arme inutilisée à notre côté.
Mais
lorsque nous avons quelque chose dans chaque main, il est difficile de les
manoeuvrer aisément ensemble sur la droite et sur la gauche. Le but de notre
école consiste à manoeuvrer d'une seule main le grand sabre.
Si
cela est hors de question pour les lances, hallebardes et armes de grandes
dimensions, par contre le sabre et le petit sabre sont maniables chacun d'une
seule main. Il est difficile de manier un sabre à deux mains lorsque l'on se
trouve à cheval. Cela est difficile lorsque l'on est en train de courir. Cela
est difficile dans les marécages, rizières pleines de boue et sur un chemin
caillouteux, sur un terrain en forte pente ou au milieu d'une mêlée. Si l'on a
en main gauche un arc, une lance ou n'importe quelle autre arme on est alors
contraint de manier le sabre d'une seule main. Or, tenir un sabre des deux
mains n'est pas la vraie Voie. Si vous ne pouvez parvenir à pourfendre un
adversaire d'une seule main, alors pourfendez-les en deux. Cela n'est pas une
perte de temps. Il faut d'abord s'accoutumer à manipuler un sabre d'une seule
main. Ainsi dans notre école on apprend à manier les sabres en en ayant un dans
chaque main.
Pour
n'importe qui, prendre pour la première fois un sabre en main semble pesant et
de maniement difficile. Toute chose abordée pour la première fois est
difficile, par exemple tendre un arc, manier une hallebarde. Au fur et à mesure
que l'on se familiarise avec une arme on la manie plus facilement. Par exemple
dans le cas d'un arc, n peut alors le tendre fortement. Il en va de même pour
un sabre, au fur et à mesure que l'on s'accoutume à le manier on acquiert de
l'aisance dans son maniement à force d'habitude.
Un
maniement rapide n'est pas l'essentiel de la Voie de sabre. Je traiterai de ce
sujet dans le chapitre "Eau". Manier le grand sabre lorsque l'on
dispose de beaucoup de place et le petit sabre dans un endroit étroit: c'est là
le premier point de la voie du sabre.
Dans
notre école il faut vaincre, que l'on ait une arme longue ou une arme courte.
La longueur d'un sabre ne nous importe donc pas. Volonté de vaincre par
n'importe quelle arme: c'est la Voie de notre école.
Nous
préférons utiliser deux sabres plutôt qu'un seul lorsqu'un homme seul se trouve
face à plusieurs adversaires ou bien lorsque nous désirons capturer vivant un
adversaire.
Je
n'exposerai pas tout cela en détail maintenant. Il faut que les lecteurs
connaissent à l'aide d'un cas dix mille exemples. Si l'on parvient à la Voie de
la tactique, on ne manque pas de les connaître tous sans exception. Il faut
bien avoir tout cela en tête [ N.D.T.: on raconte que Musashi enfant était allé
s'amuser dans un sanctuaire shintoïste. Il vit un homme battre du tambour. Il
fut frappé qu'un seul son sorte bien que l'homme battît avec deux baguettes. Il
y vit un rapport avec le maniement des sabres, qui se fait également des deux
mains]
Connaître
l'avantage de la tactique.
Dans
cette Voie, celui qui manie bien le sabre est appelé "tacticien".
Dans la Voie des arts martiaux, celui qui tire bien à l'arc est simplement
appelé "tireur", celui qui tire bien au fusil est appelé "bon
tireur". Lorsque l'on manoeuvre bien une lance on est appelé "lancier",
lorsque l'on se sert bien d'une hallebarde on est
appelé "hallebardier". Alors il aurait fallu appeler celui qui
connaît la Voie du sabre un "sabreur" ou "petit sabreur".
L'arc, le fusil, la lance et la hallebarde sont toutes des armes de samouraï et
ceux qui les manient appartiennent à la Voie de la tactique. Cependant, une
raison particulière fait que le sabres est le seul qui appartienne à la Voie de
la tactique: l'ordre est maintenu dans le monde et l'on se garde soi-même grâce
à la vertu du sabre qui est ainsi l'origine de la tactique. Si l'on atteint à
la vertu du sabre on peut, seul, vaincre dix personnes. Si l'on vainc, seul,
dix personnes alors cent personnes vaincront mille personnes, mille personnes
dix milles personnes. C'est pourquoi dans la tactique de notre école une
personne ou dix milles personnes sont considérées comme une seule et même chose
et nous appelons l'ensemble des règles des samouraïs: tactique.
Quant
aux Voies, il y a celles des confucianistes, bouddhistes, artistes, professeurs
de maintien et danseurs. Chez les samouraïs les Voies ne sont pas séparées les
unes les autres. Même si l'on n'appartient pas à une Voie déterminée, si on
approfondit et élargit sa propre Voie, alors on peut rencontrer cette autre
Voie. Dans tous les cas il est important que les hommes se polissent bien,
chacun dans sa propre Voie.
Connaître les
qualités de chaque arme
Passons
maintenant à la question de l'efficacité des diverses armes. On peut avoir à se
servir de n'importe quelle arme selon les circonstances de la vie.
Le
petit sabre est adapté aux endroits étroits ou bien lorsque le corps de
l'adversaire est proche. Le sabre convient en toute circonstance. La hallebarde
est moins adaptée que la lance aux champs de bataille. La lance peut y prendre
l'initiative mais la hallebarde y est souvent dominée. Ainsi dans le cas de
deux adversaires de même force le lancier dominera légèrement le hallebardier.
Mais le lancier et le hallebardier sont peu efficaces dans les endroits
étroits. Ils n'ont pas non plus grande efficacité dans les batailles au corps à
corps. Lances et hallebardes ne peuvent servir que sur les champs de batailles,
où elles ont leur importance.
Cependant,
pour n'importe quelle arme, si l'on se contente seulement d'en éprouver
l'efficacité dans une salle d'exercice, en se perdant dans des détails faisant
oublier la vraie pratique, alors celle-ci deviendra inutile dans un combat.
L'arc, quant à lui, est bien adapté aux stratagèmes des combats. Auprès d'un
corps d'armée de lanciers et autres, l'on peut tirer rapidement et par là l'arc
est très commode sur les champs de bataille alors qu'il n'est pas adapté à
l'assaut de places fortes ou bien lorsqu'un adversaire se trouve à plus de
quarante mètres.
De
nos jours l'archerie et tous les arts militaires sont plein de fioritures mais
il n'y a presque rien derrière. Les arts militaires de cette sorte ne peuvent
servir dans les moments d'urgence.
Rien
n'est mieux qu'un fusil pour se battre de puis une forteresse. Même sur un
champ de bataille l'importance du fusil vient avant celle de la mêlée. Mais une
fois la mêlée commencée le fusil ne suffit plus.
Une
des qualités du tir à l'arc est la possibilité de suivre le trajet de la flèche
ce qui permet au tireur de corriger son tir alors qu'une balle de fusil est
invisible. C'est là un défaut du fusil. Réfléchissez-y bien.
Quant au cheval, l'essentiel est qu'il soit fort et
endurant et ne présente aucune singularité. En somme il faut que tout soit
solide: cheval bon trotteur, sabre et petit sabre tranchants, lance et
hallebarde transperçantes, flèches et fusil robustes. Tout doit être
indestructible.
Il ne
faut s'attacher avec outrance ni à des armes ni à des outils. Excès,
insuffisance sont pareils. Inutile d'imiter les autres. Possédez les armes et
les outils qui sont à votre portée. Que l'on soit officier ou simple soldat il
n'est pas bien d'aimer certaines choses et d'en haïr d'autres. Méditez bien sur
ce sujet.
A propos du rythme
de la tactique
En
toute chose il y a rythme. Dans le cas particulier du rythme de la tactique on
ne peut l'atteindre sans s'exercer.
Si
l'on regarde autour de soi, on constate que l'existence du rythme est claire
dans la danse, la musique et les instruments de musique. Lorsque le rythme
domine, l'exécution est bonne.
Dans
le domaine des arts militaires, tels que tir à l'arc, tir au fusil, jusqu'à
l'équitation, tout obéit au rythme et à la cadence. Dans tous les arts et
techniques on ne peut aller contre le rythme.
Dans
les affaires abstraites également, c'est le rythme qui domine. Prenons comme
exemple la vie d'un samouraï. Elle peut se diviser en rythme des degrés de son
ascension, rythme de sa situation décadente, rythme du moment où tout marche
bien pour lui, ou rythme du moment où tout est contrariant pour lui. Il en va
de même pour celle d'un commerçant: rythme qui lui apporte la richesse ou bien
rythme qui la lui fait perdre. Ainsi dans chaque domaine il y a des rythmes
différents. Il faut savoir discerner le rythme ascensionnel et le rythme
décadent de toute choses. Réfléchissez-y bien.
Plusieurs
sortes de rythmes se remarquent dans la tactique. Il faut d'abord connaître le
rythme concordant, puis comprendre quel est le rythme discordant. Il faut
savoir discerner le rythme qui sied bien, le rythme à saisir selon l'occasion
et le rythme contrariant, tous les rythmes qu'ils soient larges ou étroits,
lents ou rapides, sont caractéristiques de la tactique. Tout particulièrement,
si l'on ne saisit pas le rythme contrariant, la tactique ne sera pas sur des
bases solides.
Dans
les combats de la tactique il faut connaître les rythmes de chaque adversaire
et il faut se mettre au rythme inattendu de l'ennemi. Alors on peut vaincre ses
adversaires en se mettant sur un rythme "vide" en partant d'un rythme
né de l'intelligence.
Dans
ce livre, il est question principalement du rythme dans chaque chapitre. Il
faut bien s'imprégner de ce que je vais écrire afin de bien se forger.
-
Exercez-vous matin et soir dans la Voie de la tactique de notre école exposée
plus haut. Ainsi vos idées deviendront plus larges d'elles-mêmes et ma tactique
se répandra en tant que tactique adaptée à des masses d'individus et à un seul.
Je m'exprime pour la première fois sur du papier et cela constituera cinq
chapitres: Terre, Eau, Feu, Vent et Vide.
Ceux qui veulent connaître ma tactique doivent obéir
aux principes suivants selon lesquels ils peuvent pratiquer la Voie:
1)
éviter toutes pensées perverses
2) se
forger dans la Voie en pratiquant soi-même, et non par le jeu des idées
3)
embrasser tous les arts, et non se borner à un seul
4)
connaître la Voie de chaque métier, et non se borner à celui que l'on exerce
soi-même
5)
savoir distinguer les avantages et les inconvénients de chaque chose
6) en
toutes choses s'habituer au jugement intuitif
7)
connaître d'instinct ce que l'on ne voit pas
8)
prêter attention aux moindres détails
9) ne
rien faire d'inutile
Avoir
bien en tête tous ces principes généraux et ainsi s'exercer dans la Voie de la
tactique. Ce qui est important, c'est que dans cette Voie on ne peut devenir
expert en la tactique sans avoir une vue directe et vaste. Si nous possédons
bien cette tactique, même seul face à vingt ou trente adversaires, ceux-ci ne
pourront venir à bout de nous. Il faut d'abord avoir toujours présente à
l'esprit cette tactique et s'exercer franchement sans relâche. Alors nous
vaincrons de nos propres mains et notre vue sera supérieure à celle des autres.
Et si votre corps entier se libère à force d'exercices alors vous serez
supérieurs aux autres par votre propre corps. Et si votre esprit s'habitue
totalement à cette Voie, vous pourrez vaincre grâce à votre propre esprit. Si
vous parvenez à ce point, comment pourriez-vous être battus ?
De
même, dans le domaine de la tactique appliquée à des masses d'individus vous
vaincrez afin de vous attacher des hommes bons, vous vaincrez afin d'utiliser
de nombreux hommes, vous vaincrez afin que votre conduite demeure juste, vous
vaincrez afin de gouverner le pays, vous vaincrez afin de nourrir le peuple et
vous vaincrez afin de maintenir l'ordre dans le monde. Ainsi, dans tous les
domaines vous connaîtrez le moyen de ne pas être battu par les autres. Et enfin
vous vous aiderez vous-même et garderez votre honneur: c'est là la Voie de la
tactique.
Le 12
mai de la seconde année de Shôho,
Shimmen
Musashi,
à
Monsieur Terao Magonojô
III/ Eau
L'esprit
de la tactique de notre école "Niten" se base sur la philosophie de
l'eau d'où l'on tire les moyens les plus efficaces. C'est pourquoi j'appellerai
ce chapitre : "Eau", car j'y exprime le maniement du sabre selon
notre école. Il est difficile d'exprimer en détail cette Voie comme je le
voudrais. Bien que les mots soient insuffisants l'essentiel ressortira de
lui-même. Sur tout ce que j'écris dans ce livre, il faut s'arrêter à chaque
mot, chaque lettre, afin de bien réfléchir. Si les lecteurs survolent alors ils
s'éloigneront de la Voie.
Même
si la théorie de la tactique que j'expose s'applique à deux adversaires, il est
très important de la considérer également dans son sens le plus large,
c'est-à-dire en tant que théorie pouvant s'appliquer à dix milles individus
faces à dix milles autres.
Toutes
les erreurs de jugement et tous les égarements sur cette Voie, si minimes
soient-ils, font irrémédiablement tomber sur un mauvais chemin.
La
simple lecture de ce livre ne saurait faire parvenir à la Voie de la tactique
et il faut éviter d'en considérer le contenu comme un simple recueil de mots.
Au contraire, il faut essayer d'adapter tout ce qui est dit à notre propre
corps. Découvrez de vous-même ces théories en évitant l'imitation et le
plagiat. Sans cesse réfléchissez selon votre corps.
Position de
l'esprit au milieu de cette tactique
Dans
la Voie de la tactique l'esprit doit avoir la même position que dans la vie
quotidienne. Dans la vie courante ou au moment d'appliquer la tactique rien ne
doit changer. Conservez un esprit vaste, droit, sans trop de tension ni aucun
relâchement, évitez qu'il soit unilatéral, maintenez-le au juste milieu,
faites-le agir tranquillement de façon que cette agitation ne s'arrête même un
seul instant: réfléchissez bien à tout cela.
Même
si le corps est en position tranquille l'esprit, lui, ne doit pas demeurer
tranquille. Même si le corps agit très rapidement, l'esprit, quant à lui, ne
doit pas du tout agir rapidement. L'esprit ne suit pas le corps et le corps ne
suit pas l'esprit. Prêtez attention à l'esprit mais ne prêtez pas attention au
corps. N'ayez pas l'esprit étroit mais ne débordez pas d'esprit. Même si la
surface de l'esprit est faible, le fond de l'esprit doit être fort. Rendez
votre esprit indécelable par les autres. Tous ceux qui possèdent un corps petit
doivent avoir en esprit tout ce qui se passe dans un corps grand; tous ceux qui
possèdent un corps grand doivent avoir en esprit tout ce qui se passe dans un
corps petit. Qu'il s'agisse d'un corps grand ou d'un corps petit on doit
posséder un esprit droit et il est important de conserver un esprit dégagé de
tout sentiment de faiblesse vis-à-vis de soi-même.
Il
faut maintenir sans tache et large notre esprit, en même temps que maintenir
vaste notre sagesse. Il est essentiel de polir assidûment la sagesse et
l'esprit. Pourvu que l'on polisse la sagesse, que l'on sache discerner les
avantages et inconvénients du monde, que l'on connaisse le bon et le mauvais
côté des choses, que l'on pénètre tous les arts ou toutes les Voies, que l'on
ne puisse plus être trompé par aucun, alors notre esprit est apte à aborder la
sagesse de la tactique. Quant à la sagesse de la tactique (duel ou bataille),
elle est très différente des autres.
Même au plus fort de la mêlée d'une bataille, il
faut rechercher les vérités de la tactique et bien réfléchir afin d'atteindre
l'esprit immobile.
Position du corps
au milieu de la tactique
La
tête ne doit être ni inclinée en avant ni rejetée en arrière ni penchée sur le
côté. Les yeux ne doivent pas errer de ci de là. Ne pas plisser le front mais
froncer les sourcils. Eviter les mouvements de pupilles et les battements de
paupières. Cligner un peu des yeux. Garder un visage décontracté, le nez non tiré.
Redresser un peu le menton. Pour la nuque, elle doit être droite et il fait y
concentrer sa force qui doit également être répartie des épaules à la totalité
du corps. Epaules dégagées, maintenir toujours droite la colonne vertébrale. Le
bas des reins ne doit pas être proéminent, mettre de la force dans les genoux
et la pointe des orteils, tendre le ventre afin de ne pas avoir les reins
courbés. "Fixer la clavette", c'est-à-dire bien appuyer le ventre sur
la gaine du petit sabre afin de ne pas donner de lest à votre ceinture.
En
bref, dans l'attitude que l'on doit avoir dans la tactique, l'essentiel est que
le comportement quotidien devienne comportement de la tactique et que le
comportement de la tactique devienne comportement quotidien. Réfléchissez-y bien.
Au sujet de la
position des yeux dans la tactique
La
position doit permettre de voir largement et vastement. Entre voir et regarder,
voir est plus important que regarder. L'essentiel dans la tactique est de voir
ce qui est éloigné comme si c'était proche et de voir ce qui est proche comme
si c'était éloigné. L'important dans la tactique est de connaître le sabre de
l'adversaire, mais de ne pas regarder du tout ce sabre adverse. Méditez bien
là-dessus. Cette position des yeux convient aussi bien dans la tactique du
simple duel que dans une bataille.
Le
premier point est de savoir regarder de côté sans bouger les pupilles. Toutes
ces positions ne peuvent être acquises d'un seul coup dans les moments
d'urgences. Donc ayez bien en tête tout ce que j'ai écrit jusqu'ici, gardez
bien cette position des yeux dans la vie quotidienne et en toutes occasions ne
modifiez pas la position de vos yeux. Réfléchissez bien à tout cela.
Façon de tenir un
sabre
Pour
tenir un sabre en main, il faut que: pouce et index soient consciemment
souples, le majeur ne doit être ni crispé ni relâché, l'annulaire et
l'auriculaire doivent être consciemment serrés. Il n'est pas bon que
l'intérieur des mains soit lâche.
Tenez
votre sabre en pensant toujours qu'il doit couper votre adversaire. Au moment
où vous êtes en train de pourfendre votre adversaire ne modifiez jamais
l'intérieur de vos mains et maintenez votre sabre de telle façon qu'elles ne
soient pas figées. Même si vous cinglez le sabre de votre adversaire ou bien
l'interceptez sur le vôtre ou bien l'emprisonnez à l'aide du vôtre, ne modifiez
que votre pouce et votre index selon votre volonté. Avant tout, ne manipulez le
sabre qu'avec la ferme intention de pourfendre votre adversaire .
Qu'il s'agisse d'un exercice sur un condamné à la
peine capitale ou d'un combat réel la position de vos mains est la même pour
pourfendre un homme.
En
bref, pour un sabre ou une main, le plus mauvais est de demeurer figé. La
position figée correspond à une main morte. Ne jamais demeurer figé correspond
à une main vivante. Il faut bien comprendre tout cela.
Les mouvements des
pieds
Position
des pieds: les pointes doivent être légèrement libres alors que les talons sont
fortement appuyés au sol. Mouvement des pieds: bien qu'il y ait de grands pas
ou de petits pas, des pas lents ou rapides, selon les cas, il faut toujours
être comme en marche normale. Les trois plus mauvais mouvements sont: jambes
toujours en l'air, jambes molles et pieds fixes.
Dans
cette Voie, les jambes "Yin" et "Yang" signifie ne pas
actionner un seul des deux pieds. Que ce soit au moment de pourfendre, au
moment de se reculer, même au moment d'intercepter, les deux jambes doivent
être actives: droite-gauche, droite-gauche, c'est-à-dire "Yin" et
"Yang". J'insiste encore une fois sur le fait qu'il ne faut jamais
actionner qu'une seule jambe. Réfléchissez-y bien.
A propos des cinq
façons de se mettre en garde
Il y
a cinq façons de se mettre en garde: sabre au-dessus de la tête, sabre dirigé
en face de soi, pointe du sabre dirigé vers le bas, sabre dirigé vers la
droite, sabre dirigé vers le côté gauche. Bien que l'on ait divisé la façon de
se mettre en garde en ces cinq parties toutes ont un même but: pourfendre
l'adversaire. Il n'y a aucune autre façon de se mettre en garde que ces cinq
là.
Que
vous soyez dans n'importe laquelle de ces cinq positions ne pensez jamais que
cela est pour vous mettre en garde, mais que c'est uniquement pour pourfendre.
Il y
a deux sortes de mises en garde: grande et petite. Choisissez la plus avantageuse
selon les circonstances. Les trois premières des cinq positions citées
ci-dessus: au-dessus de la tête, en face de soi et vers le bas sont des mises
en garde substantielles. Les deux dernières, de chaque côté sont des jeux. Ces
deux dernières mises en garde, à droite et à gauche, sont adaptées au cas où il
n'y a aucun espace au-dessus de notre tête ou bien lorsque nous ne disposons
d'aucun espace sur l'un des deux côtés. Il n'y a qu'à s'adapter aux
circonstances: mises en garde à droite ou à gauche.
L'essentiel
de cette Voie réside dans la mise en garde, sabre dirigé en face de soi. Cette
mise en garde, sabre dirigé en face de soi, est le fonds de toute mise en
garde. Si vous étendez ce principe à la tactique de masse (bataille) alors
cette mise en garde sabre dirigé en face de soi correspondra à la position d'un
général en chef. A la suite de ce "général en chef" il y a les quatre
autres mises en garde. Réfléchissez-y bien.
A propos de la Voie du sabre
Connaître
la Voie du sabre signifie que si l'on connaît bien la trajectoire, même si l'on
manie seulement de deux doigts le sabre que l'on a l'habitude de porter, on est
capable de le manier avec grande aisance.
C'est
en voulant sabrer rapidement que l'on modifie sa trajectoire et que naissent
les difficultés de maniement. Il est de beaucoup préférable de sabrer avec
calme afin que ce maniement soit plus aisé.
C'est
en voulant manier rapidement le sabre comme s'il était un éventail ou un
couteau que l'on contrarie sa trajectoire et que son maniement devient
difficile. Ce mauvais maniement s'appelle "hacher au couteau" et il
est impossible de pourfendre de cette façon qui que ce soit avec un sabre. Une
fois un coup porté de haut en bas, il est préférable de relever le sabre selon
la trajectoire la plus aisée pour ce relèvement. Si l'on porte un coup
horizontal, il vaut mieux revenir à l'horizontale, ainsi l'on peut revenir à
une trajectoire correcte. Dans tous les cas allongez bien le coude et mettez de
la force dans votre maniement, c'est là la Voie du sabre.
Si
vous apprenez bien les cinq figures de maniement selon notre tactique, la
trajectoire de votre sabre sera fixée et votre maniement deviendra aisé.
Exercez-vous bien.
Le contenu des
cinq figures
Figure I
La
première figure correspond à la mise en garde sabre dirigé en face de soi. La
pointe de votre sabre doit être dirigée sur le visage de votre adversaire.
Lorsque son sabre vous attaque, passez le vôtre sur la droite, puis au-dessus
du sien. Alors que votre adversaire vous attaque une seconde fois répliquez de
la pointe de votre sabre, puis maintenez-le pointe en bas et à l'attaque
suivante relevez vivement votre sabre afin de gifler les mains de votre
adversaire. Voilà la première figure.
Or ma
description des cinq figures est insuffisante à une bonne compréhension. Pour
bien comprendre ces cinq figures il faut en même temps se saisir d'un sabre et
rechercher la Voie du sabre en pratiquant. En s'exerçant selon ces cinq formes
on peut connaître la trajectoire de son propre sabre et de plus on peut
parvenir à deviner comme il faut la trajectoire attaquante du sabre adverse.
Ainsi on comprend qu'il n'y a aucune autre mise en garde possible pour notre
école "des deux sabres" en dehors des cinq que j'ai citées.
Exercez-vous bien.
Sur le contenu de
la figure II
La
deuxième figure consiste à garder votre sabre au-dessus de la tête. Au moment
de l'attaque adverse, abaissez brusquement le sabre sur l'adversaire. Si vous
ne l'avez pas atteint, maintenez votre sabre dans la position dans laquelle il
se trouve et au moment de la seconde attaque, relevez-le brusquement. Il en va
de même pour l'attaque qui suivra.
Dans cette deuxième figure il y a plusieurs nuances
et des rythmes divers, mais si l'on s'exerce suffisamment selon cette deuxième
figure on sera capable de connaître en détail les cinq Voies du sabre. Ainsi on
obtiendra la victoire d'une façon ou d'une autre. Etudiez bien tout cela.
Sur le contenu de
la figure IV
Gardez
le sabre sur le côté gauche et frappez les mains de votre adversaire de bas en
haut tandis qu'il s'apprête à vous frapper lui-même. Il va tenter de faire
tomber votre sabre qui s'apprête à le cingler. Alors tout en visant à frapper
ses mains, interceptez la trajectoire de son sabre en le pourfendant
obliquement en remontant jusqu'à votre épaule. C'est là la trajectoire d'un
sabre selon cette figure IV qui est aussi un moyen d'obtenir la victoire en
interceptant la trajectoire du sabre de l'adversaire au moment où il vous
attaque. Etudiez bien cela.
Sur le contenu de
la figure V
La
cinquième figure correspond à la mise en garde sabre dirigé vers la droite.
Ripostant à une attaque de votre adversaire relevez obliquement votre sabre du
côté droit jusqu'au dessus de votre tête et depuis le dessus de votre tête
pourfendez tout droit. Cette façon de faire est aussi nécessaire à la bonne
compréhension de la trajectoire du sabre. Si l'on s'accoutume bien à ce
maniement du sabre alors on devient capable de bien manier même les sabres
lourds.
Je ne
me perdrai pas dans les détails de ces cinq figures. Il faut qu'elles
deviennent coutumières afin de bien connaître les divers maniements de sabres
de notre école, d'apprendre les grandes lignes du rythme et de discerner la
trajectoire du sabre adverse. Il faut s'habituer à ces façons de manier le
sabre même au cours de combats. En discernant les intentions de l'adversaire et
en utilisant des rythmes variés on obtiendra la victoire d'une façon ou d'une
autre.
Sur la
recommandation "prendre garde sans prendre garde"
"Prendre
garde sans prendre garde" signifie, au sens le plus profond, qu'il n'y a
pas de mise en garde pour un sabre. Cependant, si l'on divise en cinq positions
la façon de se garder on peut appeler cela une mise en garde. L'essentiel dans
la position du sabre est qu'elle soit adaptée à pourfendre dans n'importe
quelle direction que ce soit car cela dépend de la condition de l'adversaire,
du lieu, de l'ambiance. Lorsque l'on descend un peu le sabre que l'on tient
au-dessus de la tête c'est déjà le sabre dirigé en face de soi; si l'on juge
qu'il est plus avantageux de remonter un peu le sabre dirigé en face de soi
c'est déjà le sabre au-dessus de la tête. Si, selon les circonstances, on
remonte un peu le sabre la pointe dirigée vers le bas c'est déjà le sabre
dirigé en face de soi. Les positions à droite et à gauche lorsqu'elles sont
quelque peu modifiées vers le centre selon les situations se transforment déjà
en sabre dirigé en face de soi ou en sabre la pointe dirigé vers le bas.
C'est ainsi que le principe prendre garde sans
prendre garde fut établi. Une fois que l'on tient un sabre le but à atteindre
est de pourfendre l'adversaire de quelque façon que ce soit. Même si l'on
intercepte, cingle, érafle, colle et cogne le sabre adverse qui s'apprête à
nous pourfendre, tout est occasion de pourfendre l'adversaire. Sachez bien
cela. Si vous pensez à intercepter, cingler, érafler, coller et cogner le sabre
de votre adversaire alors vous manquerez de le pourfendre. Il est important au
contraire de penser que tout est moyen de pourfendre. Réfléchissez-y bien.
La
disposition des forces dans la tactique de masse (batailles) correspond à une
mise en garde. Tout est moyen permettant d'atteindre la victoire dans les
combats. Une position figée est mauvaise. Il faut bien y songer.
Coup selon un seul
rythme pour pourfendre un adversaire
Parmi
les rythmes utilisés pour pourfendre un adversaire, il y a le rythme unique où
les deux adversaires sont exactement dans la même position pour s'atteindre.
Sentant que notre adversaire n'a pas encore pris sa décision, sans mouvoir
notre corps ni nos idées, pourfendons-le vite et directement. C'est en cela que
consiste le rythme unique. Attaquez votre adversaire avant qu'il n'ait décidé
dans sa tête de tirer son sabre, de le dégager ou bien de vous frapper; c'est
cela le rythme unique. Apprenez bien ce rythme et exercez-vous bien à frapper
vite selon un rythme rapide.
Sur le rythme
secondaire des reins
Lorsque
nous nous apprêtons à attaquer, l'adversaire se recule vite et reprend
rapidement sa tension. Dans un tel cas, feignez d'attaquer. Alors, l'adversaire
sera tout d'abord en tension mais il se relâchera ensuite. A ce moment-là il
faut attaquer sans délai. C'est là le rythme secondaire des reins. Les lecteurs
ne comprendront pas facilement ce que je viens d'écrire, mais si quelqu'un leur
explique en pratiquant, ils saisiront vite.
Le coup "sans
pensée, sans aspect"
Lorsque
votre adversaire s'apprête vous attaquer en même temps que vous vous y apprêtez
vous-même, votre corps prend la forme attaquante et votre esprit prend
également une forme attaquante et vos mains frappent fort tout naturellement en
partant du vide et à une vitesse allant 'accélérant. C'est le sans pensée, sans
aspect et cela est très important. On rencontre très souvent ce coup. Il faut
donc bien l'apprendre et s'y exercer.
Le coup du cours
d'eau
Lorsque
deux adversaires sont de force égale et au cours d'un corps à corps, l'un d'eux
cherchera à vite reculer, à vite se dégager, ou bien à vite se débarrasser du
sabre adverse en le cinglant. Dans ce cas, il faut élargir corps et esprit,
manier le sabre après le corps, lentement et
comme le flux. Ainsi, pourfendez largement et avec
force. Une fois que vous connaissez ce coup, vous connaissez un très bon coup.
Seulement, le plus important dans ce cas est de bien savoir estimer la position
et la force de l'adversaire.
Eraflure au hasard
Lorsque
vous vous apprêtez à attaquer votre adversaire, celui-ci essaie de passer à la
contre offensive et tente d'écarter votre sabre en le cinglant. Alors, frappez-le
d'un seul coup soit à la tête soit aux mains, soit aux jambes, au hasard. Selon
la trajectoire de votre sabre, frappez n'importe où: c'est là l'éraflure au
hasard. Il faut bien apprendre ce coup car on se trouve continuellement en
présence de cette sorte d'attaque. Exercez-vous minutieusement à ce coup afin
de bien le comprendre.
Eraflure rapide
comme une étincelle.
L'éraflure
rapide comme une étincelle au cas où les lames des deux sabres adverses sont
entremêlées. Alors, donnez un coup fort sans relever votre sabre. Pour cela, il
faut mettre de la force dans les jambes, le corps et les mains. Il faut porter
un coup rapide grâce à la force ainsi répartie. On ne peut atteindre à ce coup
sans exercices assidus, mais si on est bien forgé alors on est capable
d'assener un coup fort.
Coup de feuille
d'érable
Ce
coup de feuille d'érable consiste à faire tomber le sabre adverse et à
reprendre notre position de mise en garde avec notre sabre. Tout d'abord votre
adversaire était en garde, face à vous, en train de penser à vous atteindre ou
à vous cingler ou bien à se défendre. Alors vous frappez fort son sabre soit
selon le coup sans penser, sans aspect, soit selon l'éraflure rapide comme une
étincelle, puis ne cessez de coller à son sabre la pointe du vôtre frappant
vers le bas, alors le sabre de votre adversaire ne manquera pas de tomber. Si
vous vous exercez bien à ce coup il vous sera facile de faire tomber le sabre
adverse. Exercez-vous bien.
A propos du corps
qui remplace le sabre
Le
corps qui remplace le sabre pourrait être appelé aussi le sabre qui remplace le
corps. En général on dit que lorsque l'on porte un coup à l'adversaire, le
corps et le sabre ne manoeuvrent pas ensemble. Selon les formes d'attaque de
l'adversaire notre corps prend d'abord la forme attaquante, ensuite notre sabre
porte son coup à l'ennemi indépendamment de notre corps. Ou bien dans certains
cas, notre corps ne bouge pas et seul notre sabre passe à l'attaque de
l'adversaire, mais dans les grandes occasions, c'est le corps qui attaque tout
d'abord et le sabre suit. Réfléchissez-y bien et apprenez ces coups.
Au sujet des coups et éraflures
Les
coups sont une chose et les éraflures en sont une autre. Toutes les sortes de
coup sont portées sciemment et avec certitude. Les éraflures ne sont que des
touches. Même si les éraflures sont profondes au point que l'adversaire en
meure sur le coup, ce ne sont encore que des touches. Tandis que les coups sont
portés sciemment. Réfléchissez-y bien.
Erafler
les mains ou les jambes de l'adversaire signifie les toucher d'abord en vue de
porter un coup plus fort ensuite. Donc éraflure ne signifie que toucher. Si
l'on s'exerce bien on comprendra facilement la différence entre les deux.
Méditez bien là-dessus.
Position du singe
de l'espèce aux mains courtes
La
position du singe de l'espèce aux mains courtes signifie ne pas avancer les
mains. Lorsque vous avancez votre corps vers votre adversaire, n'ayez jamais
l'idée d'avancer vos mains et avant que votre adversaire n'ait eu le temps de
vous porter un coup rapprochez vite votre corps de lui. Si vous avez
l'intention d'avancer les mains alors votre corps restera sûrement en arrière.
Plutôt, remuez vite votre corps tout entier. Si deux adversaires sont à portée
de mains, il est facile d'arriver au corps à corps. Réfléchissez-y bien.
Position des corps
adverses comme s'ils étaient laqués ou collés
Laqués
ou collés signifie que les corps des deux adversaires sont très rapprochés et
ne se séparent plus. Lorsque nous approchons du corps de notre adversaire
collons-nous fort à lui par la tête, le tronc et les jambes. Bien qu'en général
les gens approchent vite leur visage et leurs jambes, leur corps est sujet à
demeurer en arrière. Il faut donc bien coller son corps à celui de l'adversaire
et y adhérer de façon à ce qu'il n'y ait aucun espace. Réfléchissez-y bien.
Concours de taille
Lorsque
vous approchez de votre adversaire, ne vous ratatinez en aucun cas, mais
dressez-vous sur vos jambes, sur vos reins et redressez votre cou.
Rapprochez-vous fort de lui et juxtaposez votre visage au sien, puis
redressez-vous comme si vous vouliez gagner par votre hauteur à un concours de
taille. Il est important de vous rapprocher fortement de votre adversaire de
cette manière. Méditez bien là-dessus.
Adhérez bien
Lorsque
votre adversaire vous attaque et que vous aussi portez un coup de sabre qu'il
intercepte, alors fixez votre sabre sur le sien auquel il doit adhérer et par
le fait rapprochez-vous bien. L'adhérence doit se faire avec l'intention de ne
plus détacher votre sabre. Vous devez vous approcher de votre adversaire sans y
mettre trop de force. Votre propre sabre doit être bien fixé au sien et y
adhérer. Si vous vous approchez très calmement de votre adversaire ce n'est pas
mal du tout.
L'adhérence est une chose et l'enchevêtrement en est
une autre: l'adhérence est forte tandis que l'enchevêtrement est faible. Il
faut bien les distinguer.
Foncer sur
l'adversaire avec votre corps.
Cela
signifie foncer sur l'adversaire en s'approchant tout près de lui. Détournez un
peu la tête, mettez votre épaule gauche de face et lancez-la dans la poitrine
de votre adversaire. Pour vous élancer, il faut mettre le plus de force
possible. Il faut bondir avec souplesse, sur un rythme vivace. Si vous apprenez
bien ce bond, il peut devenir tellement fort que votre adversaire sera projeté
de quatre à six mètres. Ou bien vous pourrez cogner tellement fort que votre
adversaire en mourra sur le coup. Exercez-vous-y bien.
Trois sortes
d'interception
Les
trois sortes d'interception sont les suivantes:
-1)
pour intercepter le sabre de votre adversaire qui vient vers vous au moment où
vous vous rapprochez de lui, il faut viser ses yeux comme si vous vouliez les
piquer de la pointe de votre sabre, puis faire dévier sur la droite le sabre adverse.
-2)
La seconde est appelée "interception en fente". Interceptez à l'aide
d'une fente le sabre adverse qui vient vers vous. Agissez comme si vous visiez
l'oeil droit de votre adversaire et comme si vous vouliez pincer son cou.
-3)
Si au moment où votre adversaire vous attaque, vous vous approchez de lui avec
un sabre court, ne cherchez pas à intercepter son sabre, mais approchez-vous de
votre adversaire comme si vous vouliez fendre de votre main gauche son visage.
Ce
sont les trois sortes d'interception. Dans tous les cas, il fait serrer le
poing gauche avec lequel vous voudriez atteindre le visage de votre adversaire.
Exercez-vous-y bien.
Piquer le visage
de l'adversaire
Lorsque
votre sabre et celui de votre adversaire sont de même force et bloqués, dans
leur enchevêtrement il est important de toujours rechercher à piquer le visage
de votre adversaire de la pointe de votre sabre. Si vous recherchez à piquer
son visage, alors il rejettera sa tête et son corps en arrière. Si vous
parvenez à ce que votre adversaire rejette sa tête et son corps en arrière,
alors vous aurez plusieurs occasions de parvenir à la victoire. Méditez bien
là-dessus. Au cours du combat, si votre adversaire est sujet à rejeter son
corps en arrière, la victoire sera déjà à vous. Ainsi n'oubliez pas de
rechercher à piquer son visage. Exercez-vous bien selon ces moyens avantageux
au cours de l'exercice de la tactique.
Piquer le coeur de
l'adversaire
Dans
les cas où, au cours de combats, il vous est impossible de pourfendre votre adversaire
parce que votre champ d'action est fermé au-dessus et sur les côtés, cherchez à
piquer votre
adversaire. Placez le dos de votre sabre
horizontalement face à lui, en faisant un petit mouvement en arrière de votre
sabre afin de ne pas dévier et piquez la poitrine de votre adversaire. Ainsi
vous pourrez faire dévier son sabre attaquant. Ce moyen convient bien aux cas
où vous vous sentez fatigué ou lorsque votre sabre n'est pas très tranchant.
Sachez bien discerner cela.
Au sujet de
"Kâtsu !"
Les cris
"Kâtsu !" et "Tôtsu !" sont utilisés dans les cas suivants:
lorsque vous portez un coup à votre adversaire et que vous le dominez, votre
adversaire s'apprête à passer à la contre-offensive, alors relevez votre sabre
depuis le bas en cherchant à le piquer, puis pourfendez-le d'un second coup.
Ces deux mouvements doivent être exécutés à un rythme très rapide: piquez
depuis le bas "Kâtsu !", puis pourfendez "Tôtsu !". Ces
rythmes se rencontrent dans tous les échanges de coups. Pour procéder à
"Kâtsu !" et "Tôtsu !": élevez la pointe de votre sabre en
recherchant à piquer votre adversaire et en même temps que vous élevez votre
sabre pourfendez d'un seul coup. En pratiquant bien, examinez bien tout cela.
Interception en
claquant
Lorsqu'au
cours d'échanges de coups avec votre adversaire le rythme devient piétinements,
claquez tout d'abord le sabre attaquant adverse à l'aide du vôtre, puis
portez-lui un coup. Ce claquement n'a pas besoin de se produire avec force et
n'a pas la signification d'une interception. Vous adaptant au sabre de votre
adversaire qui vous attaque, vous le claquez, et aussitôt portez un second
coup. Il est important que vous preniez l'initiative tout d'abord par le
claquement et de la conserver ensuite par ce coup. Si vous devenez habile au
rythme du claquement, si fort que soit le coup de votre adversaire, la pointe
de votre sabre ne s'inclinera pas quand bien même votre claquement serait
petit. Apprenez bien cela et réfléchissez-y bien.
Au centre d'une
mêlée
Je
veux parler ici du cas où vous êtes seul face à plusieurs adversaires. Tirez
votre sabre et votre petit sabre et mettez-vous en garde en étendant largement
et à l'horizontale vos sabres de chaque côté de votre corps. Même si vos
adversaires vous attaquent sur quatre côtés cherchez à les pourchasser dans une
seule direction. Sachez bien discerner parmi vos adversaires les premiers
attaquants de ceux qui suivent et passez à la contre-offensive vivement en
commençant par ces premiers attaquants. Que vos regards embrassent le tout et saisissez
le plan d'attaque de vos adversaires. Portez des coups à la fois de votre sabre
droit et de votre sabre gauche. Une fois les coups portés il est très mauvais
de sa figer dans l'attente. Immédiatement retournez à votre position de mise en
garde, vos sabres de chaque côté. Pénétrez fort parmi vos assaillants,
renversez-les, sans relâche foncez sur les nouveaux et écrasez-les également.
Il
est important de rechercher par tous les moyens à pourchasser les adversaires
en les ayant en file indienne comme des poissons enfilés les uns derrière les
autres sur un même fil. Si vous voyez que vos adversaires sont l'un derrière
l'autre, portez fort des coups sans répit.
Si vous ne vous préoccupez que de pourchasser vos
adversaires groupés, ce n'est pas bien. Si vous ne vous préoccupez que de
répliquer au fur et à mesure à chaque adversaire qui vous attaque, ce n'est pas
bien non plus car il y a attente. Après avoir trouvé le rythme de vos
adversaires, recherchez leurs points faibles afin de pouvoir les abattre et
ainsi, parvenez à la victoire.
Au
cours de vos exercices essayez de rassembler plusieurs personnes pour vous
servir d'adversaire et rechercher le moyen le meilleur de les pourchasser.
Alors vous deviendrez capable de combattre sans aucune inquiétude, seul face à
un unique aussi bien qu'à dix ou vingt adversaires. Exercez-vous bien et
réfléchissez bien.
Sur l'efficacité
des échanges de coups
Grâce
à des échanges de coups l'on peut comprendre d'où vient la victoire dans la
tactique et le sabre. Il est impossible de le relater en détail. C'est après
une étude assidue que l'on peut comprendre d'où vient la victoire. Cette
efficacité des échanges de coups est en somme le maniement des sabres qui
exprime la vraie voie de la tactique. L'explication ne peut en être que
verbale.
Au sujet
"d'un seul coup"
On
peut être certain de la victoire grâce à ce moyen "d'un seul coup".
Sans bien étudier la tactique on ne peut y parvenir. Si on s'exerce bien à ce
coup unique, la tactique devient familière et ce moyen deviendra la Voie menant
à une victoire aisée. Etudiez-le bien.
Sur la position de
l'esprit pénétrant
L'esprit
pénétrant est transmis par le Voie véritable de notre école "des deux
sabres". Exercez-vous bien et il est important de bien adapter au corps
cette tactique. L'explication ne peut en être verbale.
Tout
ce que j'ai écrit plus haut était une explication en grandes lignes, en un seul
chapitre, de l'escrime selon notre école.
Pour
parvenir à une victoire, dans la tactique du maniement du sabre, il faut passer
par les processus suivants:
-
tout d'abord, bien connaître les cinq mises en garde grâce aux cinq figures,
assouplir le corps entier par la connaissance approfondie des trajectoires du
sabre, bien saisir le rythme de la Voie sous l'effet d'un jugement correct,
perfectionner le maniement du sabre jusqu'à ce qu'il devienne tout naturel, le
corps et les jambes doivent évoluer en toute liberté, ainsi au fur et à mesure
que l'on vainc une personne après l'autre, on parvient à comprendre ce qu'il y
a de bon ou de mauvais dans la tactique. Pratiquez selon chaque paragraphe de
ce livre et combattez chacun de vos adversaires. Ainsi vous comprendrez
progressivement les principes (avantages) de la Voie. Il faut que tout cela
soit toujours présent dans votre tête et il ne faut pas vous hâter. Selon les
circonstances, apprenez de temps à autre les vertus de la tactique. Il faut que
vous combattiez contre toutes sortes de gens et
ainsi vous pourrez connaître leurs pensées. Sur le chemin le plus long, on
avance pas à pas. Réfléchissez-y sans vous hâter. Prenez la pratique de ces
règles pour fonction de samouraï. Aujourd'hui vainquez le "moi"
d'hier et demain vainquez celui qui vous est inférieur, puis un autre jour vous
vaincrez ceux qui vous sont supérieurs. Agissez comme il est dit dans ce livre
et faites attention de ne pas dévier de votre chemin.
Lorsque
vous avez vaincu un adversaire quelconque, si vous l'avez fait contrairement
aux principes, ce n'est pas la Voie véritable. Si vous avez présente à l'esprit
l'efficacité de la tactique, vous aurez l'esprit de vaincre à vous seul
plusieurs dizaines de personnes. Ainsi, par l'intelligence dans l'escrime, vous
aurez atteint la compréhension de la tactique de masse ou individuelle.
Forgez-vous par l'étude de dix mille jours et polissez-vous par l'étude de dix
mille jours. Il faut bien y réfléchir.
Le 12
mai de la seconde année de Shôho, Shimmen Musashi,
à
Monsieur Terao Magonojô.
IV Feu
Comparons
la tactique de notre école "des deux sabres" et le combat, à un feu.
Dans ce chapitre "feu", je traite de tout ce qui concerne le combat,
la victoire et la défaite.
En
général, les gens prennent toujours le principe de la tactique pour du
bricolage. Ou bien certains veulent connaître les mouvements des doigts et des
poignets, ou bien, d'autres, un éventail à la main, voudraient décider de la
victoire ou de la défaite selon le mouvement des avant-bras exécuté trop tôt ou
trop tard. Ou bien, d'autres encore, un sabre de bambou à la main, voudraient
acquérir une micro rapidité de mouvement, la manoeuvre des mains et des pieds
et obtenir ainsi l'avantage sur leurs adversaires grâce à la rapidité.
Mais
dans ma tactique, on combat en risquant sa vie au cours de plusieurs combats,
on discerne les deux principes de la vie et de la mort, on apprend la Voie du
sabre, on jauge la force ou la faiblesse des coups de sabre de nos adversaires,
on saisit bien la trajectoire du tranchant et du dos des sabres, et ainsi forgé
on devient capable d'abattre ses adversaires. En conséquence bricolage et
faiblesse sont hors de question. Surtout dans un combat avec port d'armure, un
bricoleur ne sert à rien. De plus dans un combat où l'on risque sa vie, il
arrive que l'on soit seul contre cinq ou dix adversaires. La tactique selon ma
Voie doit connaître avec certitude le chemin de la victoire même en ce cas-là.
En conséquence, quelle différence dans le principe pourrait-il y avoir entre un
combat à un contre dix et un combat à mille contre dix mille ? Réfléchissez-y
bien.
Cependant,
au cours de l'exercice quotidien, il est impossible de réunir mille ou dix
mille personnes afin d'étudier cette Voie. Donc, même si l'on se trouve seul
lorsqu'on saisit un sabre, il faut découvrir les stratagèmes d'un adversaire
supposé, juger sa force ou sa faiblesse de moyens, comprendre quels sont les
moyens d'avoir la victoire sur tout le monde grâce à l'intelligence de la
tactique et ainsi on devient un expert en cette Voie. Que votre coeur affirme
bien: "Qui au monde, en dehors de moi, pourrait obtenir la Voie véritable
de la tactique de notre école et l'approfondir jusqu'à son point ultime
?". Forgez-vous bien du matin au soir et polissez-vous bien. Et ainsi vous
obtiendrez l'aisance, parviendrez sans effort au prodige, à l'extraordinaire.
Tout cela est à la base de l'exécution de la Loi par la tactique.
Au sujet de la
topographie des lieux de combat
Le
choix de la configuration des lieux de combat est important. Par exemple, il
faut choisir un emplacement où on aura le soleil dans le dos, c'est-à-dire que
nous procéderons à notre mise en garde en ayant le soleil dans le dos. Si,
selon les circonstances vous ne pouvez avoir le soleil dans le dos, tâchez de
l'avoir sur votre droite. Il en va de même à l'intérieur d'une salle: ayez la
lumière dans le dos ou sur votre droite. Evitez d'avoir une impasse derrière
vous et il sera préférable de vous mettre en garde en ayant un espace plus
vaste sur le côté gauche et un espace plus étroit sur le côté droit. Même dans
l'obscurité, si votre adversaire est visible, il faut vous mettre en garde de
même en ayant la clarté dans le dos ou sur le côté droit.
On dit qu'il faut regarder de haut ses adversaires.
Prenez soin de vous mettre en garde dans un endroit élevé, si peu que ce soit.
Dans une pièce, prenez la place d'honneur pour l'endroit le plus haut.
Or,
une fois que le combat a débuté, pourchassez vos adversaires sur votre gauche.
Efforcez-vous de les faire reculer vers l'endroit le plus difficile. En tout
cas, il est très important de les faire reculer vers l'endroit le plus difficile.
Aussi, il faut empêcher l'adversaire de regarder et de voir les
caractéristiques d'un endroit difficile. Il faut donc éviter que les regards de
l'adversaire puissent se promener alentour: assaillez-le sans cesse. Dans une
pièce, poursuivez votre adversaire vers un seuil, sous des linteaux de portes,
portes, portes coulissantes, galeries ou piliers. Dans ces cas-là aussi, il
faut éviter que les regards de l'adversaire puissent se promener alentour. Dans
tous les cas, il faut pourchasser vos adversaires vers les endroits où leurs
pieds ne trouveront pas un bon appui, ou bien dans les endroits où ils seront
gênés sur le côté. En toutes occasions, utilisez le terrain le plus avantageux
pour vous, et dès le début ayez la supériorité sur votre adversaire au point de
vue topographie des lieux. Réfléchissez-y bien et exercez-vous bien.
Trois façons de
prendre l'initiative
Il y
a trois façons de prendre l'initiative:
- 1)
prendre l'initiative d'attaquer le premier l'adversaire. C'est l'initiative de
provocation.
- 2)
l'initiative à prendre lorsque l'adversaire attaque. C'est l'initiative
d'attente.
- 3)
Initiative à prendre lorsque l'adversaire attaque en même temps qu'il est
attaqué. C'est l'initiative mutuelle.
Ce
sont là trois façons de prendre l'initiative. Dans tout combat, au début, il
n'y a que ces trois façons de prendre l'initiative. Selon la façon de prendre
l'initiative on peut déjà parvenir à la victoire. Donc, prendre l'initiative
est la première chose à faire dans la tactique. Plusieurs détails apparaissent
dans la manière de prendre l'initiative. Selon les circonstances et l'occasion,
en épiant les intentions de l'adversaire, prendre l'initiative. Ainsi, l'on
parvient à la victoire grâce à la sagesse de la tactique. Je ne puis décrire ici
chaque cas en détail.
- 1)
initiative de provocation: elle est de plusieurs sortes. Si vous voulez
attaquer le premier, demeurez calme et, brusquement, attaquez avec rapidité et
ainsi, prenez l'initiative. Attaquez extérieurement fort et avec rapidité, tandis
que le fond de votre esprit reste stagnant. Ou bien mettez de la force coûte
que coûte dans votre esprit, et manoeuvrez vos jambes un peu plus rapidement
qu'à l'habitude, et aussitôt que vous approchez du côté de votre adversaire,
passez à l'assaut d'un seul coup. C'est là l'initiative. Ou bien laissez votre
esprit dans le vague et ayez constamment la ferme volonté de passer à l'assaut
de votre adversaire du début à la fin du combat. Mettez votre force jusqu'au
fond de votre esprit afin de parvenir à la victoire. Tout cela est
"initiative de provocation".
- 2)
Initiative d'attente: lorsque votre adversaire passe à l'assaut et arrive vers
vous, demeurez indifférent et faites semblant d'être faible. Lorsqu'il se
rapproche encore plus, reculez fort et faites semblant de bondir en arrière.
Lorsque vous découvrez que votre adversaire ralentit quelque peu son assaut,
passez d'un seul coup à la contre-offensive et enlevez la victoire. C'est
le premier cas. Lorsque votre adversaire passe à
l'assaut, vous aussi passez encore plus fort à l'assaut. Et si le rythme de
l'assaut de votre adversaire change, utilisez bien cette occasion et enlevez la
victoire. C'est aussi un principe de l'initiative d'attente.
- 3)
Initiative mutuelle: si votre adversaire a un assaut rapide, alors, que le
vôtre soit tranquille mais fort. Puis, lorsque votre adversaire s'approche
encore plus de vous, prenez une mise en garde décisive et saisissant un instant
d'hésitation chez votre adversaire attaquez-le fort immédiatement et enlevez la
victoire. Lorsque votre adversaire passe à l'assaut tranquillement, vous passez
aussi à l'assaut un peu rapidement, le corps un peu décontracté. Et lorsque
votre adversaire s'approche un peu plus, corrigez-le un peu, et selon ses
actions, emportez fortement la victoire. Ce sont les moyens de l'initiative
mutuelle. Je ne puis décrire tout en détail.
Sur
la base de tout ce que je viens d'écrire, réfléchissez bien. On adopte l'une de
ces trois initiatives selon les circonstances et l'avantage qu'elles présentent
sur le moment. Je ne dis pas qu'il faut que vous passiez toujours le premier à
l'assaut, mais tout de même, il vaut mieux avoir l'assaut de votre côté afin de
manoeuvrer l'adversaire. Dans tous les cas, prendre l'initiative signifie
parvenir à la victoire sous l'effet de l'intelligence de la tactique.
Exercez-vous bien.
Pressez l'oreiller
de l'adversaire
"Presser
l'oreiller de l'adversaire" signifie l'empêcher de relever sa tête. Dans
un combat de la tactique, il est mauvais d'être manoeuvré par un adversaire et
d'agir en retard. Il faut vouloir par tous les moyens manoeuvre notre
adversaire selon notre volonté.
En
conséquence, comme vous-même, votre adversaire en a aussi l'intention. On ne
peut y parvenir sans avoir au préalable saisi ses intentions. Dans la tactique,
on arrête tous les coups que s'apprête à porter l'adversaire, on déjoue toutes
les fentes qu'il s'apprête à exécuter, et on sait se dégager avant qu'il
n'exécute une prise. Tout cela est contenu dans l'expression presser l'oreiller
de l'adversaire. Lorsque nous sommes face à un adversaire, il faut que, basés
sur notre tactique authentique, nous sachions déceler le plus petit bourgeon
qui germe dans sa tête avant qu'il ne passe à son exécution. Si votre
adversaire s'apprête à vous porter un coup, pressez la tête de la lettre
"c", et ne le laissez pas continuer. C'est cela "presser
l'oreiller de l'adversaire". Si votre adversaire passe à l'assaut, pressez
la tête de la lettre "a", si votre adversaire s'apprête à bondir,
pressez la tête de la lettre "b", et si votre adversaire s'apprête à
vous pourfendre, pressez la tête du la lettre "p". Tout revient au
même.
Lorsqu'un
adversaire s'active contre nous, il faut le laisser procéder aux actes inutiles
et réprimer ses actes utiles afin de l'empêcher de continuer. C'est très
important dans la tactique. Mais si vous êtes uniquement préoccupé de toujours
réprimer les actes de l'adversaire, c'est déjà "après coup".
L'essentiel est que vos actions quelles qu'elles suivent la Voie de la tactique
et que vous comprimiez au fur et à mesure les germes d'intention qui naissent
dans le cerveau de l'adversaire. Rendez-les inutiles et ainsi manoeuvrez votre
adversaire. C'est ce que les experts de la tactique sont capables de faire. On
y parvient en se forgeant. Réfléchissez bien sur ce "presser l'oreiller de
l'adversaire".
Dépasser le courant critique
Pour
passer en pleine mer, il faut parfois franchir des détroits ou bien de vastes
mers de cent ou deux cent kilomètres et au long de ce parcours on aura à traverser
des courants critiques. De même dans notre traversée du monde, nous aurons à
traverser des courants critiques dans notre vie. Pour qu'un bateau puisse bien
suivre son chemin, il faut connaître les courants critiques, bien connaître la
position du bateau et la météorologie. Ainsi, ce bateau peut naviguer par ses
propres moyens, sans l'aide d'aucun autre bateau compagnon. Selon les
circonstances, on navigue grâce à des vents de bâbord ou de tribord, ou bien
avec le vent en poupe. Si parfois le vent change, ayez la ferme volonté
d'arriver au port, même s'il vous faut ramer sur dix ou quinze kilomètres. En
naviguant ainsi, vous pourrez franchir les courants critiques.
Pour
traverser le monde humain, il faut avoir cette philosophie. Ayez la ferme
volonté de traverser le courant critique dans les moments de crise.
Au
cours des combats de la tactique, il est important de franchir ce courant
critique. De même façon que le bon navigateur franchit les mers, traversons les
courants critiques en saisissant la position de nos adversaires, en connaissant
bien les qualités de notre technique et en nous basant sur les principes de la
tactique. Si l'on dépasse le courant critique, on se trouve déjà en sécurité.
Une fois le courant critique dépassé, on fait naître des points faibles chez
l'adversaire, on prend l'initiative et on a atteint une grosse partie de la
victoire. Ce passage du courant critique est important dans la tactique qu'elle
soit de masse (bataille), ou individuelle. Réfléchissez-y bien.
Conjecture du cours
Dans
la tactique de masse (bataille), la conjecture se décompose en: sentir le degré
de vitalité des adversaires, deviner les intentions des troupes ennemies,
savoir saisir les conditions offertes sur le moment et savoir tirer les
conjectures se rapportant aux ennemis, savoir choisir quelle attaque nos
troupes devront effectuer. D'où certitude d'obtenir la victoire sur la base de
la tactique. Il est important de combattre en sachant prendre l'initiative.
Il en
va de même pour la tactique individuelle. Il faut comprendre l'école à laquelle
appartient l'adversaire, juger de son caractère, discerner ses points faibles
de ses points forts. Utiliser des moyens d'assaut différents de ceux que
l'adversaire attend. Sentir les hauts et les bas dans la cadence de
l'adversaire, et connaître ses rythmes. Ainsi, il est important de prendre
l'initiative.
Si
votre intelligence est forte, vous ne sauriez manquer de conjecturer toutes
choses. Si vous obtenez la liberté de manoeuvrer dans la tactique, vous
devinerez bien toutes les intentions de votre adversaire d'où vous tirerez
plusieurs moyens d'avoir la victoire. Méditez bien là-dessus.
Fouler le sabre
L'expression
"fouler le sabre" est spécialement utilisée dans la tactique. Tout
d'abord, en ce qui concerne la tactique de masse (bataille), lorsque les
ennemis tirent des flèches ou au fusil ou n'importe quoi, leur intention est,
après ce tir, de passer à l'assaut. Donc, si nous passons une flèche dans l'arc
ou mettons une balle dans le fusil, nous ne pouvons pas passer à la
contre-offensive. Pendant que l'ennemi tire flèches ou balles, passez vite à la
contre attaque. Si vous contre-attaquez vite, l'ennemi ne peut utiliser ni
flèches ni balles. Cela signifie que, prenant les assauts de l'adversaire comme
ils viennent, on obtient la victoire en "foulant" tout ce qu'il fait.
Il en
va de même pour la tactique individuelle. Si nous passons à la contre-attaque
après un coup de sabre de notre adversaire, le combat devient pêle-mêle et ne
marche pas bien. Ayez en tête l'idée de fouler aux pieds le sabre attaquant
adverse. Et ainsi portez un coup dès que votre adversaire s'apprête à vous
attaquer et empêchez-le de mener à bien une seconde attaque. Lorsque je dis
"fouler", cela ne signifie pas nécessairement fouler avec les pieds.
Foulez même avec votre corps, avec votre esprit, et, naturellement, avec votre
sabre. Ainsi, faites toujours attention d'empêcher toute seconde attaque de
votre adversaire.
Tout
cela suit le même principe que prendre l'initiative en toute chose. Bien que
j’aie dit "une seule fois", cela ne signifie pas de foncer sur
l'adversaire, mais de continuer de coller à lui. Réfléchissez-y bien.
Savoir faire
effondrer
En
toute chose il y a effondrement: la maison s'effondre, le corps s'effondre, et
un adversaire s'effondre. Le moment venu; le rythme change, et ainsi
l'effondrement de produit.
Dans
la tactique de masse, il faut connaître le rythme afin que les adversaires
s'effondrent. Il est important de les pourchasser immédiatement sans laisser
s'écouler aucun temps. Si vous perdez du temps à souffler pendant cet
effondrement, alors vos adversaires auront le temps de se restaurer.
Dans
la tactique individuelle, au cours d'un combat, le rythme de l'adversaire
devient désordonné et son effondrement apparaît. Si vous laissez passer cette
occasion, il se restaurera, aura une énergie nouvelle, et le combat ne marchera
pas bien. Il est important de poursuivre à coup sûr au moment des premiers
symptômes d'effondrement, afin que l'adversaire ne puisse se restaurer. Il faut
poursuivre d'une manière directe et forte et lui porter un coup décisif afin
qu'il ne puisse se restaurer. Réfléchissez bien à ce coup décisif. Si votre
coup n'est pas décisif, le duel sera tiède. Méditez bien là-dessus.
Devenez votre adversaire
"Devenez
votre adversaire" signifie vous mettre complètement à sa place. Si nous
voulions placer cela dans la vie quotidienne, nous pourrions le comparer à des
gens qui s'imaginent qu'il est fort bien qu'un voleur soit enfermé dans une
bâtisse après son méfait. Ils pensent qu'il est féroce, mais mettez vous à la
place du voleur. Seul, il tient tête à tout le monde et il est plutôt terrifié
de se voir encerclé sans découvrir aucune issue. Celui qui est encerclé est
comme le faisan et ceux qui lui donnent l'assaut sont comme des faucons.
Méditez bien là-dessus.
Dans
la tactique de masse, on a tendance à penser que les ennemis sont forts, et on
devient trop prudent. Mais si on dispose d'un nombre d'hommes suffisants,
connaît bien toutes les théories de la tactique et sait bien saisir la chance
de la victoire, l'on a rien à craindre. Dans la tactique individuelle, il faut
se mettre à la place de l'adversaire afin qu'il se sente déjà battu face à
quelqu'un qui connaît bien la tactique, est fort en théorie et expert en arts
martiaux. Réfléchissez-y bien.
Séparer les quatre
mains
"Séparer
les quatre mains" signifie que lorsque votre adversaire et vous même avez
les mêmes idées, que vous êtes à égalité et que vous stagnez dans un
piétinement, votre combat n'avance plus. Si vous vous trouvez dans cette
situation, abandonnez vite votre intention première. Enlevez la victoire par
quelque autre moyen efficace.
Dans
la tactique de masse, si le combat piétine comme quatre mains immobilisées (les
vôtres et celles de votre adversaire), on ne fait que perdre des hommes. En ce
cas, abandonnez vite l'idée première: il est important d'enlever la victoire
selon un moyen efficace, inattendu de vos adversaires.
De
même dans la tactique individuelle, si vous vous trouvez dans une position de
quatre mains immobiles, modifiez vite votre pensée. Il est important d'enlever
la victoire en saisissant la position de votre adversaire et en utilisant ainsi
un moyen spécialement efficace et inattendu. Sachez bien discerner tout cela.
Faire bouger
l'ombre
"Faire
bouger l'ombre" est applicable au moment où l'on ne peut parvenir à
discerner les intentions d'un adversaire. Dans la tactique de masse, lorsque
vous ne réussissez par aucun moyen à discerner les intentions de vos ennemis,
faites semblant de passer fortement à l'assaut et ainsi vous pourrez voir ce
qu'ils veulent faire. Une fois que vous aurez saisi leurs intentions il vous
sera facile d'enlever la victoire à l'aide d'un moyen efficace convenant aux
circonstances.
Dans
la tactique individuelle aussi, lorsque votre adversaire maintient son sabre
derrière lui ou bien à son côté, vous ne pourrez pas deviner ses intentions.
Alors, si vous feignez de lui porter
brusquement un coup, il trahira sa pensée, ses
intentions par son sabre. Une fois que vous connaîtrez ses intentions, il est
certain que vous emporterez la victoire en poursuivant les avantages dus aux
circonstances. Mais si vous êtes distrait, votre rythme se relâchera.
Réfléchissez-y bien.
Comprimer l'ombre
"Comprimer
l'ombre" est adapté au moment où vous sentez chez votre adversaire
l'intention de manoeuvrer.
Dans
la tactique de masse, on dit qu'il faut comprimer l'idée de manoeuvrer qui
germe dans la tête dans la tête des ennemis. Si vous laissez voir explicitement
à vos adversaires votre compression de leur tactique, pressé par votre force,
ils changeront d'idées. Alors, de votre côté, changez aussi d'idées, prenez une
initiative issue d'un esprit vide et enlevez la victoire.
Dans
la tactique individuelle, selon le rythme qui vous est avantageux, empêchez
qu'une intention forte ne germe dans l'esprit de votre adversaire et au moment
où son intention est abandonnée par lui, prenez l'initiative sur le chemin de
la victoire. Méditez bien là-dessus.
Sur la
transmission
Chaque
chose obéit à un phénomène de transmission. Ou bien c'est le sommeil qui se
communique, ou bien c'est un bâillement qui se communique. Les temps se
succèdent.
Dans
la tactique de masse lorsque vos adversaires sont encore sous le coup de
l'excitation et qu'ils vous semblent se précipiter, prenez au contraire un air
nonchalant comme si vous étiez indifférent. Alors, ils seront contaminés, et
leur attention se relâchera. Lorsque vous saisissez le moment où ce relâchement
s'est transmis à vos ennemis, de votre côté, l'esprit vide, passez à l'assaut
rapidement et fortement. Ainsi vous pourrez avoir l'avantage sur le chemin de
la victoire.
Dans
la tactique individuelle aussi, que votre corps et votre mentalité semblent
nonchalants. Sachez saisir le moment de relâchement de votre adversaire et
prenez alors l'initiative fortement et rapidement. Il est important d'obtenir
ainsi la victoire.
L'expression
"enivrer" et cette action ont un sens similaire qui consiste soit à
attirer des ennuis à l'adversaire, soit à rendre son action superficielle, soit
à affaiblir son esprit. Méditez bien là-dessus.
Faire perdre à
l'adversaire son équilibre mental
On
peut trouver en toutes choses ce manque d'équilibre. L'équilibre mental se perd
en cas de danger, de difficultés ou de surprise. Réfléchissez-y bien.
Dans
la tactique de masse, il est important de faire perdre leur équilibre mental à
vos ennemis. Par surprise, passez à un assaut acharné de vos ennemis et avant
qu'ils n'aient eu le temps de
décider quoi que ce soit, prenez l'initiative de
telle façon qu'elle soit avantageuse pour vous. Il est important d'obtenir
ainsi la victoire.
Aussi
dans la tactique individuelle, paraissez nonchalant au début, et tout à coup
passez fortement à l'assaut. Continuez selon les hauts et les bas et selon les
actions de votre adversaire, ne le laissez pas souffler, et conservez jusqu'au
bout votre avantage. Il est important d'obtenir ainsi la victoire.
Réfléchissez-y bien.
Effrayer
Effrayer
existe en toutes choses et signifie provoquer une frayeur par surprise.
Dans
la tactique de masse, effrayer des ennemis ne consiste pas uniquement à le
faire visuellement, car on peut effrayer des ennemis par un bruit, ou bien en
leur faisant croire que le petit nombre de combattants dont on dispose est plus
important qu'il n'est en réalité, ou bien en les effrayant par une attaque
surprise de côté. Tout cela peut être cause de frayeur. Sachez saisir le rythme
de la frayeur de vos ennemis et parvenez à la victoire grâce à cet avantage.
Aussi
dans la tactique individuelle, effrayez votre adversaire à l'aide de votre
corps, de votre sabre, ou bien de vos cris. Attaquez par surprise d'une façon
que votre adversaire n'a pu imaginer, et tirez avantage de sa frayeur, puis
parvenez à la victoire. Cela est important, réfléchissez-y bien.
Sur
l'enchevêtrement
Si
votre adversaire et vous-même êtes proches l'un de l'autre et que votre
résistance mutuelle est très forte, que vous trouvez que rien ne marche bien,
enchevêtrez-vous avec votre adversaire et pendant cet enchevêtrement sachez
saisir une occasion avantageuse et enlevez la victoire.
Dans
les tactiques de masse et individuelle, si vos adversaires et vous-mêmes êtes
écartés et que votre et que votre résistance mutuelle est forte, alors vous ne
trouverez aucune issue débouchant sur la victoire. Alors enchevêtrez-vous avec
vos adversaires à tel point que l'on ne puisse vous distinguer les uns des
autres, puis, pendant ce temps, saisissez l'occasion avantageuse et enlevez
avec force la victoire. Cela est important, réfléchissez-y bien.
Toucher son
adversaire dans un coin
Parfois
il est impossible de pousser un objet quelconque lourd directement de face. A
ce moment-là, il vaut mieux le pousser de biais.
Dans
la tactique de masse, sachez évaluer le nombre de vos ennemis et menez votre
attaque contre la partie forte qui se trouve la plus en avant. Ainsi vous
pourrez avoir l'avantage. Au fur et à mesure que la partie adverse qui se
trouve en avant se relâche, tous les ennemis se
relâchent aussi. Même pendant qu'ils sont en train
de se relâcher, recherchez sans cesse à les attaquer de biais. Il est important
d'enlever ainsi la victoire.
Même
dans la tactique individuelle, si vous touchez le corps de votre adversaire de
biais, son corps s'affaiblira petit à petit, tant soi peu, et finira par
s'écrouler. A ce moment-là, il vous est facile d'avoir la victoire.
Réfléchissez-y bien et comprenez bien les moyens d'avoir la victoire.
Faire naître une
certaine tension nerveuse chez l'adversaire
Faire
naître une certaine tension nerveuse chez l'adversaire consiste à l'empêcher
d'être sûr de lui.
Dans
la tactique de masse, sur les champs de bataille, sachez déceler tout d'abord
les intentions de l'ennemi et grâce à votre connaissance de la tactique, égarez
votre adversaire afin qu'il ne reconnaisse plus "ici ou là",
"ceci ou cela", "tôt ou tard". Puis saisissez l'occasion de
l'instant où il tombe en tension nerveuse et ainsi vous aurez la victoire.
Aussi
dans la tactique individuelle, selon les cas, essayez différentes sortes d'assaut:
ou vous semblez sur le point de frapper, ou bien de porter une botte, ou bien
d'engager un corps à corps, ainsi vous ferez naître une certaine tension
nerveuse chez votre adversaire et parviendrez aisément à la victoire. C'est là
l'essentiel de tout combat. Réfléchissez-y bien.
Sur
les trois sortes de cris
Il y
a trois sortes de cris:
- le
premier cri,
- le
cri du milieu,
- le
cri final.
Ils
correspondent exactement à un moment du combat. Le cri est un signe de force.
Donc on crie face à un incendie. On crie pour vaincre le vent ou la vague. Le
cri montre la force.
Dans
la tactique de masse, le cri poussé au début doit être le plus exagéré
possible, tandis que le cri poussé au cours du combat doit être d'un ton plus
grave et venir de la profondeur du ventre. Après avoir enlevé la victoire, on
pousse un grand cri fort. Ce sont là les trois sortes de cris.
Aussi dans la tactique individuelle, pour faire
bouger l'adversaire on fait semblant de lui porter un coup en poussant un cri,
et on porte le coup de sabre, après ce cri. Il arrive aussi qu'après avoir
porté le coup on pousse un autre cri: c'est le cri de la victoire. Ces deux
cris sont appelés "cris précédant et suivant". Il faut éviter de
pousser un grand cri en même temps que l'on porte un coup de sabre. Si l'on
pousse un cri durant le combat c'est afin de se fixer sur un rythme. A ce
moment-là on pousse un cri sur un ton grave. Réfléchissez-y bien.
Sur
le zigzag
Le
zigzag est appliqué dans la tactique de masse où deux armées sont face à face.
Dans le cas où vos ennemis sont forts, portez vos assauts sur un angle de
l'armée ennemie et si vous constatez que cette partie adverse s'est relâchée,
abandonnez-la et reportez vos assauts sur un autre angle fort, puis un autre,
c'est-à-dire attaquez en zigzag.
Dans
la tactique individuelle, si vous êtes seul face à plusieurs adversaires, ce
moyen est très important. Si une partie de vos adversaires est vaincue ou bien
prend la fuite, passez à l'assaut de la partie forte. Selon le rythme de vos
adversaires, attaquez tantôt à gauche, tantôt à droite, avec un rythme en
zigzag. Faites-le sans perdre de vue l'état de vos adversaires. Si vous
parvenez à saisir le degré de force de votre adversaire, alors passez fortement
à l'assaut. Dans ce cas-là, n'ayez aucune restriction et parvenez à la victoire
avec force. Lorsque vous n'avez qu'un seul adversaire à transpercer et si cet
adversaire est fort, il faut garder cet état d'esprit. Connaissez bien ces
assauts en zigzag, zigzag sans aucune idée de recul, même d'un pas.
Neutraliser
Neutraliser,
ici, signifie s'imaginer que les adversaires sont faibles, et ainsi se
comporter avec force pour parvenir à les neutraliser.
Dans
la tactique de masse, si vous jugez que vos ennemis sont peu nombreux, ou bien,
s'ils sont nombreux et que vous découvriez chez eux une certaine tension
nerveuse ou quelque autre point faible, neutralisez-les en rassemblant d'un
seul coup toutes vos forces. Si votre neutralisation est faible, il peut
arriver que vos ennemis se redressent. Ayez bien en tête cette idée de
neutralisation de l'ennemi comme si vous écrasiez quelque chose entre vos
doigts.
Dans
la tactique individuelle, lorsque vous vous trouvez face à un adversaire qui
vous est inférieur, ou bien lorsque le rythme de votre adversaire est perturbé,
ou bien lorsque votre adversaire est sur le point de reculer, il est important
de le neutraliser directement, sans le laisser souffler, en évitant de croiser
son regard. Le plus important est de l'empêcher de pouvoir se restaurer. Réfléchissez-y
bien.
Passage de la montagne à la mer
Passer
de la montagne à la mer signifie qu'il est mauvais de répéter les mêmes choses
au cours d'un même combat. Répéter deux fois la même chose est encore passable,
mais jamais trois. Si vous ne réussissez pas une première fois un certain coup,
alors, même si vous le tentez une seconde fois, son efficacité sera douteuse.
Appliquez plutôt un coup inattendu, chaque fois d'une façon assez différente,
et si cela est inefficace, tentez une autre tactique.
Si
votre adversaire imagine la montagne, vous appliquez la technique de la mer, et
si votre adversaire pense à la mer, vous appliquez la technique de la montagne;
c'est là la Voie de la tactique. Réfléchissez-y bien.
Oter le fond
Oter
le fond s'applique au cas suivant: à l'issue d'un combat, bien que pratiquement
vous ayez enlevé la victoire grâce à votre technique efficace des arts
martiaux, l'esprit combatif de votre adversaire n'est pas encore complètement
mort. Donc, il est vaincu superficiellement, mais pas encore au fond de son
coeur. Dans ce cas, changez vite d'idées. Il faut déraciner la volonté
combative de votre adversaire. Il est important que vous sachiez découvrir chez
lui la destruction de toute trace d'esprit combatif.
Ainsi,
on doit ôter le fond soit par le sabre, soit par le corps, soit par l'esprit.
Il n'y a aucune façon précise d'y parvenir. Dans le cas où votre adversaire
s'est écroulé à fond, il est inutile de conserver en vous un esprit combatif.
Dans le cas contraire, vous devez le conserver. Si votre adversaire conserve
encore un esprit combatif, il y a encore de la difficulté pour vous à le faire
s'écrouler. Dans les tactiques, qu'elles soient de masse ou individuelle,
exercez-vous à "ôter le fond".
Se rénover
Lorsque,
au cours d'un combat qui reste à l'état de mêlée, rien n'avance plus,
abandonnez l vos idées premières, rénovez-vous en tout et prenez un nouveau
rythme. Ainsi découvrez le chemin de la victoire. Chaque fois que vous jugez
qu'entre votre adversaire et vous tout grince, changez d'intentions
immédiatement et parvenez à la victoire en recherchant d'autres moyens
avantageux pour vous.
Il
est très important de savoir se rénover dans la tactique de masse. Ceux qui
sont perspicaces dans la tactique peuvent juger facilement l'instant de cette
rénovation. Réfléchissez-y bien.
Tête de rat et
tête de bovin
Lorsque,
au cours d'un combat, votre adversaire et vous-même vous attardez à des choses
insignifiantes et que vous êtes mêlés l'un à l'autre, ayez en tête constamment
le proverbe de la
tactique "tête de rat et tête de bovin",
et remplacez vos idées petites par des grandes, comme si elles passaient d'une
tête de rat à une de bovin. C'est un principe de la tactique.
Il
est important que les samouraïs aient toujours en tête, même dans leur vie
quotidienne, "tête de rat et tête de bovin". Dans la tactique,
qu'elle soit de masse ou individuelle, n'oubliez pas cet esprit. Réfléchissez-y
bien.
Le général connaît
ses soldats
Dans
la bataille, le général doit naturellement connaître ses soldats. Mais s'il
acquiert une intelligence de la tactique, il est capable de prendre ses
adversaires pour ses soldats. Il doit s'efforcer de tenter de les manoeuvrer
librement selon sa volonté. Alors il est général, et ses adversaires seront ses
soldats. Méditez bien là-dessus.
Lâcher la poignée
Lâcher
la poignée peut avoir plusieurs significations. Il y a moyen d'obtenir la
victoire sans sabre. Il y a aussi des cas où on ne peut parvenir à la victoire
même avec un sabre. Je ne puis exposer toutes mes pensées en détail.
Exercez-vous bien.
Le corps comme un
rocher
Une
fois que vous connaissez la Voie de la tactique, soyez comme un rocher. Soyez
intouchable et immuable en toutes choses. L'explication ne peut en être que
verbale.
J'ai
exprimé plus haut ce à quoi j'ai pensé sans cesse au cours des exercices
d'escrime de notre école. C'est la première fois que j'écris tous ces
avantages, c'est pourquoi ils sont exposés sans ordre et que chaque explication
ne ressort pas clairement. Néanmoins ce livre sera une sorte d'index pour ceux
qui voudront étudier cette Voie.
Depuis
ma jeunesse je me suis consacré à la Voie de la tactique, j'ai discipliné mes
mains, j'ai éduqué mon corps, et étudié les différents aspects de l'esprit dans
les arts martiaux en général et dans l'escrime en particulier. Or, lorsque je
prête attention aux autres écoles, certaines ne consistent qu'en paroles,
d'autres encore ne s'occupent que de l'aspect extérieur. Aucune n'a d'esprit
authentique.
Malgré
ces idées qu'elles ont, je pense qu'elles disciplinent tout de même tout le
corps et l'esprit. Cependant, toutes deviennent des malades de la Voie qui ne
pourront plus jamais se débarrasser de cette mauvaise influence première. Elles
sont la source du pourrissement de la vraie Voie de la tactique et provoquent
son déclin. L'escrime a pour but de nous mener à la vraie Voie et à la victoire
dans le combat. Ce but est immuable. Si vous obtenez l'intelligence de la
tactique de notre école et si vous pratiquez sans faillir, je ne doute pas que
vous emporterez la victoire.
Le 12 mai de la seconde année de Shôho,
Shimmen
Musashi,
à
Monsieur Terao Magonojô
V/ Vent
Dans
la tactique, il est important de connaître la voie des autres écoles. Ainsi,
j'expose dans ce chapitre les diverses pratiques des autres écoles.
Sans
connaître les voies des autres écoles, on ne peut comprendre à coup sûr la
nôtre. Lorsque j'observe les tactiques des autres écoles, j'en vois qui
utilisent le grand sabre et ne font appel exclusivement qu'à la force
musculaire. D'autres ne se préoccupent que de la manoeuvre du petit sabre.
D'autres encore ne se préoccupent que des nombreuses techniques du sabre et
divisent même la garde du sabre en superficielle et profonde.
J'expose
clairement dans ce chapitre pourquoi elles ne sont pas la vraie Voie. J'y
explique aussi ce qu'elles ont de bon et de mauvais, de correct et d'erroné
vis-à-vis de la Voie. La vérité dans notre école est très différente de la
leur. Les gens des autres écoles utilisent leur tactique pour gagner leur vie.
Ainsi, ils donnent de l'éclat à leur apparence, enjolivent et commercialisent
leur tactique et ils se trouvent complètement en dehors de la vraie Voie. Pour
ces gens, la tactique est bornée à l'escrime et ils pensent parvenir à la
victoire uniquement par la seule manipulation du sabre, la discipline du corps
et l'habileté manuelle, mais ce ne sont pas là des voies sûres. Je vais
énumérer et expliquer séparément chacun des points faibles des autres écoles.
Réfléchissez-y bien, et comprenez bien les avantages de notre école "des
deux sabres".
Sur l'école qui
préfère les sabres de grandes dimensions
Certaines
écoles préfèrent des sabres de grandes dimensions, mais du point de vue de ma
propre tactique je trouve que ces écoles sont faibles, parce que les tactiques
de cette sorte ignorent la possibilité de parvenir à la victoire par n'importe
quel moyen. elles s'appuient sur la longueur du sabre et cherchent à obtenir la
victoire à distance. C'est pourquoi elles préfèrent les sabres longs.
D'après
un dicton, "un centimètre de longueur en plus, la main est déjà plus
efficace". Si on pense appliquer cela dans la tactique, c'est qu'on ignore
celle-ci. Si l'on veut obtenir la victoire de loin, avec un sabre plus long,
sans connaître les principes de la tactique, ce n'est là qu'une faiblesse de
l'esprit et je la considère comme une tactique faible. Lorsque l'on combat au
corps à corps, plus long est le sabre, plus grande est la difficulté de porter
des coups. Les moulinets de sabre deviennent impossibles et le sabre lui-même
devient encombrant. Ainsi, on est plus désavantagé que celui qui manie un petit
sabre.
Ceux
qui préfèrent les sabres longs ont leurs raisons mais elles ne sont que
personnelles. Du point de vue de la Voie véritable du monde, leurs raisons ne
reposent sur rien. Si l'on n'a pas un sabre long, pourquoi perdrait-on
forcément avec un petit sabre ?. Par exemple, dans le cas où vous ne disposez
d'aucun espace libre au-dessus de vous, au-dessous de vous, ni sur aucun côté,
ou bien dans le cas où vous ne disposez que d'un petit sabre, si vous vous
entêtez à préférer un sabre long, alors votre esprit s'égare au point de vue de
la tactique et ce sont des idées mauvaises. Aussi, les gens doués de peu de
force éprouvent des difficultés à manier un sabre long.
Un vieux proverbe dit: "Qui peut le plus peut
le moins", et moi aussi je ne suis pas absolument contre la longueur.
Seulement, je rejette la pensée qui ne prend en considération exclusive que la
longueur.
Dans
la tactique de masse, le grand sabre long est comparable à une troupe
importante tandis que le petit sabre peut être comparé à une petite troupe. Une
petite troupe ne pourrait-elle pas combattre contre une troupe importante ?. On
retrouve plusieurs fois des exemples de petites troupes ayant vaincu des troupes
importantes. Notre école rejette cette pensée unilatérale et étroite.
Réfléchissez-y bien.
Ce que les autres
écoles entendent par "sabre fort"
Les
sabres ne peuvent être classés en sabres forts ou faibles. Lorsque l'on porte
un coup de sabre en obéissant à une volonté forte, ce coup est grossier et on
ne peut parvenir à une victoire uniquement par lourdeur.
Aussi,
si l'on s'obstine à vouloir pourfendre uniquement par la force un adversaire,
on ne parvient pas, au contraire, à le pourfendre. Lorsque l'on s'essaie au
sabre en coupant quelque chose, il est mauvais de couper avec force. Personne
ne songe à mettre ou non de la force en ferraillant avec un adversaire. Lorsque
l'on veut tuer quelqu'un en le pourfendant, on ne songe pas à le faire fortement
ou faiblement. On ne songe uniquement qu'à parvenir à le tuer.
Ou
bien si vous voulez porter un coup fort de votre sabre sur celui de votre
adversaire, ce sera trop pour être bien et attirera un mauvais résultat. Si
votre sabre heurte fortement le sabre de votre adversaire, le réflexe de votre
sabre sera moins vif. Manier un sabre avec force est donc un non-sens. Dans la
tactique de masse (bataille), si vous voulez avoir des gens forts dans votre
troupe et obtenir la victoire par la force, votre ennemi aussi voudra avoir des
gens forts dans sa troupe et obtenir la victoire par la force tout comme vous.
Les choses seront identiques des deux côtés. En toutes choses on ne peut
obtenir de victoire sans obéir à la raison.
Dans
notre école nous ne pensons rien de déraisonnable. Nous essayons d'enlever la
victoire par tous les moyens grâce à l'intelligence de la tactique. Méditez
bien là-dessus.
Utilisation du
sabre court d'autres écoles
Si
l'on pense parvenir à la victoire uniquement à l'aide d'un sabre court, ce
n'est pas la Voie véritable. Depuis les temps anciens jusqu'à aujourd'hui on a
toujours dit "sabre et petit sabre" afin de distinguer le sabre long
du sabre court.
Un
homme physiquement puissant peut manier avec facilité un sabre même très grand
et par là donc personne n'est obligé de préférer un sabre court. Si l'on veut
utiliser les avantages de la longueur on peut tout aussi bien prendre une lance
ou une hallebarde. Si on a l'intention, avec un sabre court, de pourfendre, de
bondir en s'approchant, ou bien de s'emparer d'un adversaire en saisissant
l'occasion d'un intervalle dans les mouvements de son sabre, cela est mauvais
parce qu'unilatéral.
Si l'on est tout occupé à guetter l'occasion d'un
intervalle chez l'adversaire, toutes nos actions viendront après coup. Ainsi on
agira d'une façon désordonnée, ce qu'il faut éviter. Aussi, essayer de pénétrer
dans les rangs ennemis et tenter de s'emparer d'eux à l'aide d'un sabre court
est totalement inutile avec des adversaires en nombre.
Ceux
qui ont l'habitude d'un sabre court, même s'ils ont l'intention de porter
plusieurs coups à de nombreux adversaires, de voler librement d'un adversaire à
l'autre et de ferrailler en tous sens, tout cela n'est que sabre passif. Le
combat devient embrouillé et l'issue n'en est pas certaine. Si possible, rester
fort et droit, pourchasser les adversaires, les faire voltiger çà et là, faire
naître en eux la précipitation et trouver le chemin qui mènera à la victoire à
coup sûr.
Pour
la tactique de masse (bataille) c'est le même principe. Si possible, attaquer
brusquement avec une troupe nombreuse et écraser les ennemis d'un seul coup.
C'est là l'essence de la tactique. Si, dans le monde en général, pour faire
quelque chose les gens ne se préoccupent que de parer les coups, de les éviter,
d'y échapper, de plonger pour se garer, ils seront toujours victimes de ces
habitudes et seront toujours tiraillés par autrui. La Voie de la tactique est
droite et juste. Il est donc essentiel de pourchasser les adversaires et de les
dominer en obéissant à des principes véritables. Réfléchissez-y bien.
Autres écoles du
sabre aux techniques variées
Dans
d'autres écoles on enseigne des techniques variées de maniement du sabre. Elles
commercialisent la Voie et le font certainement dans le but de faire croire aux
débutants qu'elles connaissent un grand nombre de techniques du sabre. C'est
contraire à la tactique.
Tout
cela parce qu'elles pensent qu'il y a plusieurs façons de 'pourfendre
quelqu'un. C'est là leur erreur. Il n'y a pas 36 façons de pourfendre un homme.
II n'y a pas plusieurs manières de porter un coup, de frapper et de trancher
qu'il s'agisse d'un spécialiste ou non, d'une femme ou d'un enfant. Si l'on
veut en chercher d'autres, il n'y a qu'à porter une botte ou faucher. Tout se
résume à vouloir couper l'adversaire, donc il est tout naturel qu'il y ait peu
de façons de le faire.
Cependant
selon le lieu et les circonstances, par exemple dans un endroit où vous ne
disposez d'aucune place au-dessus de vous ou sur le côté, il faut que vous
teniez votre sabre de telle façon qu'il ne soit pas gêné. En ce cas on pourrait
dire qu'il y a cinq façons de tenir un sabre.
En
dehors de ces façons, si l'on veut s'étendre encore plus et aborder la question
de fendre les gens à l'aide de quelque artifice, par exemple par un tour de
poignet ou en tordant notre corps, ou bien à l'aide de grands bonds, tout cela
n'est pas la Voie véritable. On ne peut pourfendre des gens à l'aide d'un tour
de poignet ou en tordant notre corps, au contraire, cela est inutile.
Dans
la tactique de notre école, il faut garder le corps et l'esprit tout droit,
mais faire biaiser et dévier l'adversaire. Puis il est important d'enlever la
victoire en découvrant le moment où l'esprit de l'adversaire biaise et dévie.
Réfléchissez-y bien.
Préoccupation de 1a garde du sabre dans les autres écoles
Se
préoccuper trop de la garde du sabre est une grave erreur, car se figer dans
des règles de garde du sabre n'est applicable que lorsque l'on ne se trouve pas
face à un adversaire. Etablir des règles parce que c'est la coutume depuis
l'antiquité ou parce que c'est la mode aujourd'hui, n'a aucune valeur sur le
chemin de la victoire ou de la perte. En bref ce chemin consiste
essentiellement à réfléchir à tout ce qui peut nuire à l'adversaire.
En
toutes choses, garde signifie immobilité. Dans le langage courant, lorsqu'il
est question de garder un château ou de garder une place, le mot « garder o
signifie que l'on demeure fortement immobile malgré les attaques de l'ennemi.
Tandis que dans la Voie de la tactique, de la victoire ou de la perte, tout
revient à essayer de prendre l'initiative, l'initiative à chaque pas. L'esprit
de garde est un esprit d'attente de l'initiative de l'adversaire. Méditez bien
là-dessus.
La
Voie de la tactique et de la victoire ou de la perte consiste à provoquer une
émotion chez l'adversaire en garde, agir d'une façon inattendue de lui,
provoquer une certaine précipitation chez lui, lui faire monter la moutarde au
nez, l'effrayer et enlever la victoire en utilisant son rythme perturbé. Donc
il faut rejeter la pensée arrivée après coup qui existe dans la garde. En
conséquence notre école recommande d'être sur ses gardes mais sans garde.
Dans
la tactique de masse, il faut savoir dénombrer les ennemis, reconnaître le terrain
du champ de bataille, connaître l'état et le nombre de ses propres soldats,
organiser ses troupes selon les qualités de chacun. Ainsi on peut entamer un
combat. C'est là le principe de la bataille. Le cas où je suis attaqué par un
adversaire obéissant à son initiative et le cas où je l'attaque en obéissant à
mon initiative sont doublement différents. Si l'on se préoccupe de se bien
mettre en garde avec un sabre et de bien intercepter le sabre adverse, ou d'en
cingler la lame, étant donné que l'on n'a pas l'initiative, tout cela équivaut
à fabriquer une haie de lances et de hallebardes. En revanche si l'on passe à
l'assaut en prenant l'initiative on pourrait utiliser même des haies aussi
efficacement que des lances et des hallebardes. Réfléchissez-y bien.
Les yeux fixés
selon d'autres écoles
D'autres
écoles conseillent de tenir les yeux fixés. Les unes conseillent de les fixer
sur le sabre adverse, d'autres de les fixer sur les mains adverses, d'autres
encore de les fixer sur le visage ou bien les pieds adverses. Si l'on fixe
spécialement ainsi les yeux, l'esprit s'égarera et cela deviendra une maladie
dans la tactique.
Je
m'explique: bien qu'un joueur de balle n'ait pas les yeux obstinément fixés sur
sa balle, il peut néanmoins shooter tout près de son chignon, poursuivre la
balle, shooter en rond. Fixer les yeux est inutile pour lui parce qu'il est
accoutumé. Aussi, les acrobates habitués à leurs numéros peuvent porter une
porte sur le bout de leur nez, jongler avec plusieurs sabres à la fois. Tous n'ont
pas les yeux fixés sur les objets qu'ils traitent car leurs mains y sont
habituées et exercées tout au long des jours. Ils les voient sans les regarder.
Dans la Voie de la tactique aussi, si l'on parvient
à s'accoutumer à combattre face à un adversaire, à saisir la finesse ou la
balourdise d'un esprit humain et si l'on peut pratiquer la Voie de la tactique,
alors on parvient à tout voir, éloignement ou rapprochement, lenteur ou
rapidité d'un sabre. Les yeux fixés, dans la tactique, sont pour ainsi dire des
yeux fixés sur les pensées adverses.
Dans
la tactique de masse (bataille), il faut avoir les yeux fixés sur les capacités
de la troupe ennemie. Dans le chapitre de l'Eau j'ai distingué "voir"
et "regarder". Ici, voir est plus important que regarder. Il faut
voir l'esprit des ennemis, voir l'ambiance, avoir les yeux fixés
"vastement", voir le processus de combat et voir la force et la
faiblesse de chaque instant. Il est important d'obtenir ainsi la victoire.
Dans
la tactique, qu'elle soit de masse ou individuelle, il ne faut jamais avoir les
yeux fixés étroitement. Comme je l'ai dit plus haut, si l'on a les yeux fixés
étroitement et avec des oeillères, on oublie les choses les plus importantes,
des égarements apparaissent dans l'esprit et on laisse échapper une victoire
certaine. Réfléchissez bien à ces vérités et exercez-vous bien.
La façon de tenir
ses pieds dans d'autres écoles
Certaines
écoles appellent les différentes façons de tenir les pieds : pieds flottants,
pieds bondissants, pieds sautants, pieds foulants et pieds
"corbeaux". Tous ces qualificatifs s'appliquent à des pieds aux
mouvements rapides, mais au point de vue tactique de mon école tous sont
insuffisants.
Nous
rejetons les pieds flottants, car une fois sur le terrain du combat, tout le
monde a tendance à avoir les pieds flottants. Donc, il vaut mieux avoir les
pieds sûrs.
Aussi
nous n'aimons pas les pieds bondissants, car ceux qui ont les pieds bondissants
en prennent l'habitude et s'y attachent. Il n'y a aucune raison de bondir plusieurs
fois, donc les pieds bondissants sont mauvais.
Au
sujet des pieds sautants, si l'on est préoccupé de sauter, le combat ne pourra
être décisif.
Quant
aux pieds foulants, ils sont appelés aussi "pieds d'attente", ce qui
est à rejeter entre tout.
De plus,
en dehors de ceux-là, il y a les pieds "corbeaux" et toutes sortes de
mouvements rapides de pieds.
Selon
les circonstances, il nous faut combattre nos adversaires soit dans des mares,
des marais, des montagnes, des vallées, des champs pierreux, des sentiers,
etc., donc selon les lieux il est impossible de bondir ou de sauter, impossible
d'utiliser des mouvements rapides de pieds.
Dans
la tactique de notre école, les mouvements de pieds n'ont rien de différent des
mouvements ordinaires. Ils sont comme la marche sur un chemin ordinaire. Selon
le rythme de l'adversaire, les pieds doivent correspondre aux mouvements du
corps, soit dans les moments mouvementés soit dans les moments de tranquillité.
Ni trop ni trop peu, les pieds ne doivent être agités.
Dans la tactique de masse aussi, ce mouvement des
pieds est important, car si l'on passe à l'assaut trop tôt sans connaître
l'esprit de l'adversaire, le rythme devient contrariant et l'on ne peut
parvenir à la victoire. Mais, si le pas d'assaut est lent, on ne peut découvrir
le moment de confusion et d'effondrement de l'ennemi, on laisse échapper la
victoire et l'on ne peut parvenir à une issue rapide qu'elle soit victoire ou
perte. Il est important de savoir discerner l'occasion de confusion et
d'effondrement de l'ennemi et de provoquer notre victoire en empêchant tout
redressement chez lui. Exercez-vous bien.
Préférence pour la
rapidité dans d'autres écoles de la tactique
La
préférence pour la rapidité dans la tactique n'est pas la vraie Voie. En toutes
choses, tant que l'on n'est pas en harmonie avec les rythmes, on tergiverse sur
rapidité ou lenteur. Lorsque l'on est devenu expert dans toutes les voies, on
ne semble pas rapide aux regards des autres. Par exemple, on appelle "bons
marcheurs" ceux qui peuvent parcourir 160 à 200 km par jour, mais cela ne
veut pas dire qu'ils courent vite du matin au soir.
Bien
que les non experts aient l'air de courir toute la journée, leur rendement
n'est pas grand. Je prendrai pour exemple les choeurs accompagnant des danseurs:
si un non expert chante en suivant le chant d'un expert, il craint sans cesse
un retard de sa part et il sera sous tension. Lorsque l'on tambourine l'air des
"Vieux Pins" si l'on est non expert, bien que cet air soit très
tranquille, on est sans cesse inquiet de savoir si l'on est en mesure.
"Takasago" est un chant au rythme rapide, mais il est mauvais de le
rythmer avec précipitation. Un proverbe dit: "Ceux qui vont trop vite
tombent". Aller trop vite fait perdre le rythme. Naturellement le retard est
mauvais aussi.
L'action
d'un expert semble lente, mais il ne s'écarte jamais du rythme. Pour n'importe
quoi, ce qui est fait selon une habitude ne semble pas rapide. Avec ces
exemples, connaissez bien les vérités de la Voie.
La
précipitation est nuisible surtout dans la Voie de la tactique. En voici les
raisons: selon le lieu (une mare, un marais, etc.), il est impossible de
mouvoir corps et jambes avec rapidité. Quant au sabre il est inutile qu'il
tranche vite. Le sabre n'est pas comme un éventail ou un couteau. Si l'on veut
trancher vite alors le sabre ne tranche pas du tout. Sachez bien discerner tout
cela.
Dans
la tactique de masse aussi, l'esprit de précipitation, de hâte est mauvais.
L'idée de "presser l'oreiller de l'adversaire" n'arrive pas du tout
en retard.
Lorsque
quelqu'un se précipite pour rien il vaut mieux le contrarier, rester tranquille
et ne pas s'occuper de lui. Il faut bien s'exercer dans cet état d'esprit.
Au sujet de ce que
d'autres écoles entendent par profondeur et superficialité
Au
sujet de la tactique que pourrait-on qualifier de profond? Que pourrait-on
qualifier de superficiel? Selon l'art ou le cas on dit "principe
ultime" ou "transmission secrète" et il existe une profondeur
inconnue du débutant. Mais en ce qui concerne les principes au moment
d'échange de coups avec un adversaire, il est
inutile de dire que l'on combat en superficiel ou que l'on tranche avec
profondeur.
Dans
la tactique de notre école, les principes enseignés sont les suivants : à ceux
qui apprennent pour la première fois la Voie, nous enseignons les techniques
qui sont à leur portée et en premier les principes qu'ils peuvent comprendre
vite. Puis nous découvrons le moment où leur esprit s'ouvre et ils atteignent
ce qui n'était pas à leur portée à l'origine. Par nos enseignements ultérieurs
ils avanceront de plus en plus vers des vérités plus profondes. Mais en général
nous les faisons étudier à l'aide d'exemples pratiques et ainsi nous ne parlons
ni de profondeur ni de début.
Prenons
l'exemple d'une région montagnarde, si l'on veut s'y enfoncer plus
profondément, on se retrouve dans la même situation qu'au début. Dans toutes
les voies, il y a des cas où la profondeur est valable et d'autres cas où
l'état de début convient bien. Au sujet des principes des combats, que
cacherais-je ? Et qu'exprimerais-je ?
En
conséquence, pour transmettre ma Voie, je n'ai pas besoin de serment écrit, de
règle de discipline. Enseigner une Voie droite en sondant l'intelligence de
l'étudiant de cette Voie, faire disparaître les défauts de cinq ou six écoles
de tactique, introduire l'étudiant tout naturellement dans la Voie réelle de la
Loi des samouraïs et lui donner un esprit sans doute, c'est là la Voie de
l'enseignement de notre tactique. Exercez-vous bien.
Je
viens d'exposer les grandes lignes des tactiques des autres écoles, dans ce
chapitre du "Vent", en les classant en neuf cas. j'aurais dû exposer
en détail le caractère de chaque école, depuis ce qu'elles ont de plus simple
jusqu'à ce qu'elles ont de plus profond, mais c'est avec intention que je n'ai
pas indiqué le nom de ces écoles ni celui de leurs techniques essentielles.
J'ai
agi ainsi car les jugements portés par chaque école et les théories propres à
chaque Voie sont au libre arbitre de chacun selon sa mentalité. De plus,
l'interprétation de chacun est différente dans une même école. Ainsi en pensant
au futur je n'ai pas osé nommer telle école ou telle lignée.
C'est
pourquoi j'ai séparé les grandes lignes des autres écoles en neuf cas :
préférence exclusive pour le sabre long, préférence pour le sabre court, ne se
préoccuper que de la force ou de la faiblesse et ne voir que lourdeur ou
finesse. Mais su point de vue de la Voie véritable du monde et de l'humanité
tout cela n'est que voie unilatérale. Même si je n'ai pas avancé de la partie
la plus simple à la partie la plus profonde des autres écoles on comprendra
malgré tout. Dans notre école il n'y a pas distinction entre profondeur et
début pour un sabre. Il n'y a pas de borne pour la garde. Atteindre à la vertu
par l'esprit c'est là l'essence de la tactique.
Le 12
mai de la seconde année de Shôho, Shimmen Musashi,
à
Monsieur Terao Magonojô.
VI. Vide
J'expose
ici la Voie de la tactique de notre école "des deux sabres" en un
chapitre intitulé "Vide". On entend par "vide"
l'anéantissement des choses et le domaine de l'inconnu.
Naturellement
le "vide" est néant. Par la connaissance des êtres, on connaît le
néant, c'est là le "vide". En général l'idée que l'on a sur le
"vide" est fausse. Lorsque l'on ne comprend pas quelque chose on le
considère comme "vide" de sens pour soi, mais ce n'est pas un vrai
"vide". Tout cela n'est qu'égarement.
Dans
la Voie de la tactique, si les samouraïs ne connaissent pas leur Loi pour
poursuivre leur Voie, ils ne sont pas "vides". Ils appellent
"vide" ce qui est du domaine de l'impasse sous l'effet d'égarements
successifs, mais ce n'est pas le vrai "vide".
Les
samouraïs doivent apprendre avec certitude la Voie de la tactique, avoir la
maîtrise des autres arts martiaux, n'avoir plus aucun point obscur sur la Voie
qu'ils doivent pratiquer, n'avoir plus aucun égarement d'esprit, ne jamais se
relâcher à aucun moment, depuis le matin. Polir ces deux vertus: sagesse et
volonté, aiguiser les deux fonctions de leurs yeux: voir et regarder, et ainsi
n'avoir aucune ombre. Alors, les nuages de l'égarement se dissiperont, c'est là
le vrai "Vide".
Tant
que l'on ne connaît pas la Voie véritable, chacun croit avancer sur le bon
chemin et se croit dans le vrai sans s'appuyer sur les lois du Bouddha ni les
lois de la terre. Mais lorsque nous les regardons avec les yeux de la Voie
véritable de l'esprit et selon les grandes règles du monde humain, on les voit
trahir la Voie véritable à cause de leur propre égoïsme et de leur mauvaise
vue. Connaissez l'Esprit! Reposez-vous sur le domaine franchement juste! Faites
de l'Esprit réel la Voie! Pratiquez largement la tactique! Ne songez qu'à la
justice, à la clarté et à la grandeur! Faites du vide la Voie! Et considérez la
Voie comme "vide"!
Dans
le "Vide", il y a le bien et non le mal. L'intelligence est
"être". Les principes sont "être". Les voies sont
"être". Mais l'esprit est "Vide".
Le 12
mai de la seconde année de Shôho, Shimmen Musashi,
à
Monsieur Terao Magonojô.
Miyamoto Musashi
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